THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Jean-Marie ANIELE Interview avec:

M. Jean-Marie ANIELE

Directeur Général du Port Autonome de Pointe-Noire
12 juin 2002
 
Voulez-vous nous présenter le Port Autonome de Pointe-Noire, son historique et ses activités ?

Il s'agit d'un port qui a été construit en 1934. On l'appelle la " porte océane d'Afrique Centrale ", parce qu'il était destiné à sortir tous les produits qu'on pouvait collecter dans cette zone. C'était une idée de génie car on a su exploiter la géographie. En reliant la mer au fleuve on s'est donné des moyens pour couvrir une zone de 4 millions de km2 et de plus de 100 millions d'habitants. Ce port était destiné jusqu'à sortir les mines du Shaba en RDC.

Le Port de Pointe-noire faisait partie de ce qu'on appelait l'Agence Transéquatoriale de Communication. " Trans " parce qu'elle allait au-delà de l'équateur. Cette Agence Transéquatoriale de Communication regroupait le Port de Pointe-Noire, le Chemin de fer et toute la logistique fluviale. Elle employait plus de 10.000 travailleurs. C'était une agence inter étatique héritée de la colonisation. C'était donc des moyens communs de transport entre la RCA, le Congo et le Tchad.

Pointe-Noire est un port en eau profonde. C'est à dire dès que vous franchissez les passes, vous êtes à des profondeurs de 14-15 mètres. Pour le commerce c'est formidable, parce que cela permet de faire des gains d'échelles. C'est à dire quand vous pouvez transporter sur des grands navires des quantités importantes de marchandises qui financent le voyage. Avoir un port en eaux profondes est donc très important. C'est un avantage pour nous car nous pouvons aisément concurrencer le port voisin de Matadi qui est un port d'estuaire et qui nécessite donc de remonter un bras de fleuve, avec tous les inconvénients que cela implique. Aujourd'hui dans la sous-région, il n'y a pas de port concurrent. Celui de Matadi en RDC n'est pas performant et au Cabinda, ils n'ont pas de port digne de ce nom. A Libreville il n'y a pas de véritable port également. Quant au Cameroun c'est encore un port d'estuaire. Ce qui fait que Pointe-Noire et Dakar sont les deux grands ports en eaux profondes sur la côte ouest de l'Afrique.

La chance de ce pays est le transit. Si vous regardez le Congo et son port, il est vraiment situé à un endroit idéal. Et malheureusement jusqu'ici nous n'avons pas su exploiter cette opportunité. Il faut s'imaginer la chance que représente le port de Pointe-Noire pour la population de Kinshasa. En quatre heures on pourrait mettre un produit sur Kinshasa. Et avec ça on peut abaisser les coûts dans la sous région. Par exemple, une tonne de farine rendue à Kinshasa en passant par le port de Pointe-noire, voit son coût diminué de moitié par rapport à quand il passe par Matadi. Mais malheureusement nous sommes encore pénalisés par les problèmes de souveraineté.
Donc, en reliant la mer au fleuve, on s'est donné les moyens de desservir l'Afrique Centrale, avec des modes de transport très compétitifs. Le chemin de fer permet des coûts moindres, ensuite vous avez le fleuve Congo qui peut drainer nombres de marchandises, par exemple du bois en grume par flottaison.

Dans quelles mesures les différents conflits qui ont affecté la région ont-ils entravé l'activité du port ?


Le problème de la rébellion en RDC, c'est aussi vers la frontière avec la RCA le long du fleuve. Dès qu'il y a des dangers, le commerce en prend un coup. Et avec la guerre qu'on a connue ici au Congo des voies concurrentes se sont développées par le Cameroun. Mais elles ne sont pas aussi performantes que les nôtres. Le port fluvial de Brazzaville a aussi été détruit. Il y a des convois de la RCA et du Tchad qui passent encore par ici mais ils sont vraiment réduits. Le travail au niveau du port est actuellement réduit en terme de manutention. Et puis il y a le chemin de fer qui constitue un verrou car il ne peut pas convenablement transporter les marchandises de Pointe-Noire à Brazzaville ; il y a comme un seuil qu'on ne peut pas dépasser.

Quel est le statut du Port de Pointe-Noire ? Est-ce une structure d'Etat ?


Le port faisait partie de l'Agence Transéquatoriale de Communication. Après la sortie de l'ère coloniale, il a fait partie de l'Agence Transcongolaise de Communication (ATC). Il est maintenant autonome depuis février 2000. Je suis le directeur général, il y a un conseil d'administration et nous avons de réels pouvoirs financiers. C'est un port autonome comme vous en voyez en Europe. Je paie l'impôt comme n'importe quelle entreprise. Je recrute mon personnel.

Quel est votre chiffre d'affaires ?


Nous faisons un chiffre d'affaires de 12 milliards de F cfa

Quelles sont vos prévisions en terme de croissance ?

On a connu une période de ralentissement à cause de l'état du Chemin de fer. Comme je vous le disais tout à l'heure, l'idée de génie était de relier la mer au fleuve Congo. Mais cet élément fédérateur qu'est le Chemin de fer connaît actuellement des problèmes et il ne peut plus transporter ce qu'il faut. C'est ainsi qu'il y a des pénuries de toutes sortes à Brazzaville. Donc en terme de croissance nous sommes relativement pénalisés par le défaut de fonctionnement du CFCO. Actuellement, on connaît une croissance de près de 33 % en terme de chiffre d'affaires et de 14 % en terme de trafic par rapport à la période de 1997.

Quels sont les atouts du Port ?


Ce port a donc des atouts géographiques importants. C'est un port en eaux profondes, c'est à dire qu'il peut recevoir des navires à grand tirant d'eau. Il est idéalement placé à la croisée des grandes routes maritimes et à l'entrée d'un vaste interland de 4 millions de km2 et de plus de 100 millions d'habitants.
Dans les scénarios imaginés pour le commerce international du futur, ce sera beaucoup plus du côté de l'Atlantique que du côté du Pacifique que va se jouer le développement. Dans ce cas, le Port autonome de Pointe-Noire pourrait jouer le rôle d'un port Hub, d'un pivot. C'est à dire que les grands armateurs ne pourront pas desservir chacun des ports. Ils choisiront des ports qui ont une grande capacité d'accueil, y entreposeront des marchandises. Et au moyen de petits navires iront desservir les autres ports. Cette situation serait formidable pour le port de Pointe-Noire.

Quelles sont vos ambitions à court terme ?


Notre action se porte sur deux directions : vers la mer et vers l'interland. Vers la mer c'est pour servir de port d'éclatement, de port Hub, pour redistribuer le trafic vers les autres ports de moindre capacité d'accueil. Nous pourrions avoir le trafic qui vient d'Asie du sud-est, du Moyen-Orient, etc. Nous avons mené des missions commerciales vers l'Amérique du sud parce que ce sont nos voisins d'en face. C'était pour promouvoir le commerce. Et je peux aussi parler des lignes avec les USA pourquoi pas, notamment en terme de commerce des produits pétroliers. Il ne faut pas oublier que port de Pointe-Noire sert de base logistique pour l'industrie pétrolière de la sous-région.

Comment allez-vous vous y prendre pour conquérir ou reconquérir vos clients ?

Quelles que soient les performances du manager, la santé d'un port dépend de la vitalité de l'économie nationale et régionale. Un bateau ne vient pas dans un port parce qu'il est beau. Il vient plutôt parce qu'il a de la marchandise à embarquer et à débarquer. Donc le seuil de l'activité dépend de la santé de l'économie nationale et sous-régionale. Maintenant il y a un effort qui est fait au niveau des prix, au niveau des performances de gestion. Si vous avez des armateurs qui n'ont pas de tracasseries administratives dans votre port, ainsi que des coûts intéressants ; à ce moment là votre port devient compétitif et ils attirent de nouveaux clients. Par ailleurs, nous sommes l'un des ports les plus sûrs d'Afrique, sans vol ni banditisme. Ce sont des éléments très importants qui aident à ce que les armateurs choisissent ce port pour dispatcher les marchandises. A partir de là, même si le trafic ne rentre pas dans ce pays, il peut aller dans un autre port.
L'avantage d'un port autonome, c'est la garantie qu'on peut donner aux investisseurs. Ce sont les investisseurs privés qui font aujourd'hui le développement de ce port. Il est largement privatisé dans sa gestion. L'acconage est fait par des privés à plus de 90 %. Nous n'avons gardé que les activités régaliennes. Je peux consentir à de larges concessions du domaine. Par exemple Bouygues Offshore Congo est dans le domaine du port. Ce système fonctionne parce qu'il y a des garanties aux investisseurs.

Dès lors que vous avez fait des investissements dans le domaine public, ces investissements tombent sous le coup de la domanialité. En quelque sorte ils ne vous appartiennent pas. Il s'agit de mettre en place un échéancier de remboursement avant de poursuivre la gestion du produit qu'on a mis en place. C'est parce que nous avons les mains libres que nous pouvons faire des concessions de domaines qui peuvent aller jusqu'à une trentaine d'années. Nous rassurons nos investisseurs. L'Etat n'y est pour rien. Ces éléments devraient nous aider à trouver de nouveaux clients.

Quant un investisseur arrive et veut s'installer au port, que lui dites-vous?


C'est une très bonne question. Le Congo est un petit pays de 3 millions d'habitants. La chance que nous avons, c'est qu'on prend pied au Congo pour aller à l'assaut des grands pays voisins. Vous avez la RDC et l'Angola à côté. Vous avez aussi la RCA et le Tchad. Mais aucun de ces pays n'a les dés dont nous disposons.
Il y a une façon d'être Congolais. Les relations qu'on développe avec les privés, la sécurité qu'ils ressentent et aussi la qualification des gens qui sont en mesure de vous accueillir, de mettre à votre disposition tout ce qu'il faut pour pouvoir travailler. Il s'agit ici d'une nation, qui a été une ancienne colonie française. Donc il y a une espèce d'intelligentsia qui est en mesure aujourd'hui de produire tout ce qu'il faut pour qu'un investisseur puisse travailler en toute sérénité.
J'ai installé dans le port des malaisiens, des chinois, etc. La dernière société qui est venue c'est TAMAN (exploitation du bois). Ils avaient des à priori en disant que c'était très bureaucratique, etc. Je lui ai alors dit que s'il voulait un contrat pour demain, je le lui apportais. Et il m'a mis au défi en me disant en me menaçant de ne pas s'installer si le contrat n'était pas là comme prévu. Et le lendemain je lui ai donné le contrat. Il m'a dit " vous n'êtes pas un congolais, vous êtes chinois ! ". Je lui ai répondu que si c'était pour gagner de l'argent je voulais bien être chinois ! Ce Monsieur m'a fait plaisir. Je lui ai donné le domaine, il s'est installé. Aujourd'hui c'est le plus grand exploitant de bois au sud du pays. Et après il a pris la palmeraie grâce à l'action du chef de l'Etat. Ils ont investi et ont même arrangé le séjour du chef de l'Etat en Malaisie. Une excellente coopération s'est donc développée grâce à notre politique de libéralisation.

L'époque marxiste et sa bureaucratie étaient comme un boulet au pied des congolais. Aujourd'hui au sein de notre conseil d'administration il y a un représentant des usagers privés, un représentant de la ville. Quand je mets un franc dans le port, les usagers en mettent 10 mille. Les hangars que vous voyez sont des investissements privés. Vous voyez le chiffre d'affaires n'est pas très important, mais en terme d'investissements faits par les privés c'est très important. Et quand un privé investit des sommes très importantes, cet investissement le relie au port. Parce que s'il abandonne, il perd son argent. Alors qu'à contrario quand c'est le port qui fait l'investissement, à tout moment le client peut s'en aller quand ça ne marche pas.

Il est aussi question d'une zone franche. Où en êtes-vous avec ce projet?


Certaines personnes passionnées disent, quand ils viennent au Congo, que tout ce pays devrait être une zone franche. C'est vous dire que c'est vraiment un pays de transit. On peut tout faire ici. Non pas au Congo, mais c'est un marche-pied pour aller vers les pays les plus peuplés.

Evidemment quand on a lancé cette idée de zone franche, ça a emballé les gens. Mais aujourd'hui tout est un peu timide au niveau institutionnel. Il faudrait que le ministère des finances et de la douane s'affranchisse un peu de certaines peurs. Qu'on ouvre réellement les procédures, qu'on arrive à faire passer les conteneurs. Parce que si vous pensez qu'il des trafics d'armes, vous ne pouvez pas réellement faire une zone franche. Parce q'une zone franche veut dire des contrôles allégés. C'est pourquoi aujourd'hui on a encore seulement ce que moi j'appelle des zones de facilitation. C'est pour le trafic en transit, par exemple pour Kinshasa et Bangui.

Mais j'avoue que faire une zone franche n'est pas une mince affaire. En Tunisie et à l'Île Maurice ça été fait, mais ce n'est pas toujours facile à réussir. Il y a déjà la confiance dans un pays. Il faut que les gens aient réellement confiance. Cela peut être une zone franche de services ou une zone franche industrielle. Dans un pays où le syndicat est très fort c'est difficile, parce qu'il y aura des grèves, des revendications des salaires élevés, etc. Aujourd'hui les industriels préfèrent aller en Asie où il y a des habitudes de travail plus ardues que dans les pays où les gens connaissent leurs droits et les revendiquent. Il y a aussi des dispositions réglementaires et institutionnelles à voir.

Avez-vous des investissements à courts et moyens termes ?


Oui, j'ai un grand projet, c'est l'extension du port, essentiellement vers la zone industrielle. Relier le port public au port industriel. C'est ce que j'appelle le port de l'horizon 2010 - 2015. il y a aussi le problème des ressources humaines. Maintenant il faut spécialiser le personnel dans les métiers portuaires.

Quelle est la plus grosse satisfaction que vous avez vécue en tant que DG du port ?


La plus grosse satisfaction, je crois que c'est le virage qui a été opéré dans ce pays, dans le sens de la libéralisation. Ce qui fait qu'un directeur général comme moi peut rassurer les investisseurs, les partenaires. Et cela se sent en moins de deux ans avec la croissance du port. Il y a moins d'ingérence de l'Etat. Pour le reste, les perspectives sont bonnes. Je connais de grands groupe comme Bolloré qui veut desservir la Guinée Equatoriale à partir de Pointe-Noire. Le port autonome sert donc de base logistique.

J'ai de la reconnaissance à l'égard des autorités politiques qui on su amorcer le virage vers la libéralisation.

Il y a peut être d'autres projets en cours ?


Vous savez, avec un port, on offre des potentialités. On offre des atouts. C'est l'armateur qui profite de ces atouts pour développer le port. Le port a des infrastructures physiques qu'il développe. Mais au-delà de cela, c'est l'investisseur privé qui prend un terminal, qui ouvre des lignes maritimes. Donc à mon niveau je dois améliorer les performances portuaires en termes de capacités de manutention, d'accueil, de la qualité des infrastructures.

Avez-vous un message aux lecteurs de Forbes ?


Aujourd'hui ce port est relié au port de Houston en ce qui concerne les produits pétroliers. Essentiellement avec des grands armateurs comme MAERSK. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut découvrir dans ce pays, en matière de tourisme par exemple. A travers le tourisme, les gens peuvent découvrir les réelles opportunités d'investissements qu'offre ce pays.
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