THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Antoine MOUTANDA Interview avec:

M. Antoine MOUTANDA

Directeur Général du Service National de Reboisement (SNR)
7 juin 2002
 
Pouvez-vous nous faire un aperçu historique de votre société et de son activité ?

Nous sommes en fait un service qui travaille comme une société. C'est le Service National de Reboisement (SNR). Il a été créé en 1989 et avait pris le relais de l'Office Congolais des Forêts. La principale activité est la création des massifs artificiels, la gestion du patrimoine existant. En ce qui concerne les activités, il faut dire que nous travaillons aussi bien au niveau de la savane avec les espèces exotiques, mais aussi au niveau de la forêt naturelle. Nous procédons aux travaux d'enrichissement avec les espèces nobles qui sont exploitées pour des raisons économiques.

Nous sommes installés sur l'ensemble du pays, avec ce que nous appelons des stations, mais également des pépinières. Nous avons des pépinières de très grandes capacités et des pépinières régionales pour les besoins de production de bois de chauffe et de service.

Qu'est ce que vous appelez " Station " exactement ?


Les stations sont des unités de production qui travaillent pour la création de ces massifs forestiers artificiels. Dans ces stations il y a des chefs qui représentent le Directeur Général. Ils ont un programme et un budget. Ils jouissent donc d'une semi-autonomie pour réaliser leurs activités de replantation ou d'enrichissement.

Par rapport aux pépinières, les stations disposent de moyens un peu plus substantiels pour permettre de réaliser leurs activités. Et les pépinières régionales travaillent surtout pour des besoins de production des plants destinés aux populations.

Donc vous travailler à la réalisation des plantations forestières ?


Actuellement, les nouveaux textes permettent de disposer de forêts privées. Et de plus en plus, les Congolais s'intéressent aux plantations privées. C'est une activité que nous sommes en train d'encourager, étant donné que le SNR était au départ une structure qui ne travaillait qu'au sud du pays où les zones sont dégradées, contrairement à la partie Nord du pays qui dispose encore d'un potentiel assez important.

Maintenant il y a un redéploiement sur l'ensemble du pays et pratiquement avec les même moyens. Donc nous sommes en train de favoriser la réalisation des plantations forestières privées. Il y a des individus qui désirent avoir des forêts privées, il y a des associations aussi, des ONG. C'est dans ce cadre que nous sommes en train de créer des pépinières pour distribuer des plants aux populations, pour créer leurs forêts et nous fournissons l'expertise.

Quelle superficie gérez-vous sur tout le Congo ?


Sur l'ensemble du pays, nous avons un peu plus de 20.000 hectares de plantation et la grande partie se trouve en forêt naturelle où nous procédons à la plantation des espèces autochtones.

Quelle est la répartition entre plantation en forêt naturelle et plantation en savane ?


A peu près 50 % chacune. Maintenant la tendance est beaucoup plus d'aller du côté de la forêt naturelle, étant donné que nous avons déjà une structure ici à Pointe-Noire qui s'appelle ECO-SA qui a de très grandes superficies en eucalyptus sur savane.

Quelle est la politique nationale en matière de reboisement ?


Les gouvernements successifs que nous avons connus ont toujours accordé une attention particulière au secteur forestier. Même dans les moments les plus difficiles de crise, on n'a jamais connu une période de rupture au niveau du secteur forestier.
Au niveau de la forêt naturelle, la politique était au départ l'attribution de petits permis d'exploitation. Actuellement ce sont de grandes concessions que nous octroyons aux sociétés forestières. Leurs permis d'exploitation peuvent durer jusqu'à 50 ans. Dans ce même contexte, en tant que société de reboisement, nous avons signé des contrats avec ces sociétés d'exploitation pour pouvoir replanter dans leurs concessions. On peut ainsi suivre leur rythme d'exploitation, ce qui permet d'arriver à un moment donné à un cycle fermé. C'est à dire arriver à faire en sorte qu'il n'y ait pas de rupture ni d'épuisement des ressources grâce aux espèces que nous aurons ajoutées de façon artificielle.

Au niveau de la savane, là où il y a des besoins en bois de chauffe et bois de service, la politique consiste à créer des pépinières pour produire des plants. En produisant des plants qu'on met à la disposition des populations, nous avons la possibilité de suivre la réalisation sur le terrain. Ce qui compte pour nous, c'est de comptabiliser les surfaces que nous avons nous même en tant qu'entité de reboisement, et celles réalisées par les ONG et les privés.

Donc l'Etat vous charge de " contrôler " ce que font les sociétés à qui sont attribués les concessions?


Non ce n'est pas un contrôle en tant que tel. C'est plutôt un appui. Ce sont des contrats qui nous permettent de les appuyer sur le terrain. En fait c'est l'Etat qui favorise, parce que c'est une politique qui jusque là fonctionne bien. C'est à dire qu'il y a des taxes que ces sociétés devaient payer à l'Etat, mais qui sont utilisées dans le cadre du reboisement. Donc les montants de ces taxes sont utilisés dans le cadre du reboisement des zones exploitées.

Nos lecteurs aiment bien les chiffres, pouvez-vous nous donner un aperçu de votre chiffre d'affaires ?


Nous sommes une structure qui ne vit que des subventions de l'Etat. Le matériel végétal que nous mettons en place, une fois arrivé à maturité est restitué à l'Etat et c'est lui qui le commercialise.

Y a t-il un programme de privatisation de la SNR comme pour l'ensemble des entreprises d'Etat ?


Non !Pour l'instant on ne pense pas. On ne parle pas encore de privatisation. Mais ça, c'est du ressort du gouvernement. Ça n'a pas encore été mentionné pour notre société, parce qu'on estime qu'avec le travaille qu'on fait actuellement, il n'y a pas beaucoup de structures qui voudraient s'engager dans ce domaine du reboisement. Quand vous prenez l'exemple du Limba (essence de bois), il faudrait une rotation de 40 ans pour pouvoir rentabiliser. Et là, il n'y a pas d'engouement.
Par contre, l'Etat peut trouver des structures privées qui peuvent gérer ou exploiter les 20-25.000 hectares de massifs arrivés à maturité. Là par exemple, pour les plantations de Limba, il y a 6.000 hectares dans le Mayombe, 6.000 hectares d'eucalyptus ici à Pointe-Noire et dans la vallée du Niari. Des privés peuvent faire de petits sciages. Par exemple avec les pins tropicaux nous avons des plantations qui sont arrivées à maturité. On peut monter une petite scierie qui peut produire à peu près 25.000 mètres cube par an et qui peut travailler pendant 30 ans, puisqu'il y aura une rotation. Donc à ce niveau la privatisation est possible.

Quels sont vos projets en terme d'investissements et de développement ?

Au départ on a commencé à travailler avec des sociétés privées en nombre assez réduit. Actuellement, il y a de plus en plus de sociétés forestières qui sont en train d'exploiter le bois. Donc il y a certainement beaucoup d'activités qui vont être engagées dans le cadre des contrats de replantation. Là j'avoue qu'il y a beaucoup de travail à faire.
Nos premiers travaux n'étaient que dans le cadre de projets pilotes. Mais les sociétés forestières sont intéressées, la demande se manifeste pour qu'on s'implique davantage dans le travail de ces sociétés où nous n'opérons pas encore. Ça c'est donc un grand champ d'action qui nous attend. Une grande collaboration entre l'Etat et les sociétés forestières doit se faire pour pouvoir procéder à la replantation de ces domaines.
Au niveau des villes et des grandes agglomérations, nous sommes de plus en plus conscients que l'avenir appartient aux activités privées. Si on prend l'exemple de la ville de Brazzaville dans le cadre de la fourniture du bois de chauffe, cela représentait, il y a dix ans, un chiffre d'affaires de 1 milliard de F.cfa/an. Ce n'est pas nous qui allons fournir le bois de chauffe. Nous sommes là pour créer les conditions qui permettent aux privés de s'investir et satisfaire cette demande. Avec l'eucalyptus en savane par exemple, il y a une rotation de 4, 5 ou 6 ans pour approvisionner la ville de Brazzaville, contrairement à ce qui se passe en forêt naturelle. Donc nous créons des conditions favorables à travers la création de grandes pépinières à grandes capacités, afin d'attirer ceux qui sont intéressés par des plantations forestières dans le but d'approvisionner la ville de Brazzaville et les d'autres grandes agglomérations comme Nkayi, Dolisie, etc.

Votre société participe t-elle à des recherches en vue d'améliorer la productivité?


Je suis chercheur forestier de formation. J'ai passé 15 ans de recherches forestières au Centre Technique Forestier Tropical (CTFT) qui est devenu le CIRAD-Forêt. A l'époque on l'appelait CTFT-Congo. Pour le moment j'ai un regard de développeur, avec quelques instincts et réactions de chercheur.
Nous avons signé un contrat avec le Centre de Recherches Forestières. C'est eux qui font les recherches et nous leur disons ce que nous voulons et finançons.

Concrètement qu'est ce qui se passe au niveau de la recherche ?


Ce qui est sur le terrain, c'est du matériel végétal de qualité. C'est le fruit de plusieurs années de recherches. Par exemple, ce sont des clones d'eucalyptus qui poussent plus vite, qui ont des rendements beaucoup plus importants que ce qui a été utilisé auparavant ou jusqu'à présent. Au niveau de la forêt naturelle, la recherche nous aide à mettre au point de nouvelles techniques pour rendre les opérations moins coûteuses en terme de techniques de sylviculture.
Nous avons au niveau interne du SNR une petite structure qui mène de la recherche, mais pour des aspects précis. C'est à dire pour avoir des bois qui n'ont pas de grosses branches, pour pouvoir disposer de techniques d'entretien pas trop coûteuses, etc.

Vous ne vous occupez donc pas directement de l'exploitation ?


On ne s'occupe pas directement de l'exploitation. L'Etat cherche des exploitants pour valoriser ses massifs, même pour ce que nous sommes en train de mettre en place ou pour ce qui est déjà à maturité?

Le Congo dispose t-il de réserves ?


Les Institutions Internationales souhaitent que dans chaque pays, à peu près 10 % de la superficie forestière soit destinée à la réserve. Nous remplissons pleinement ce désir. Prenez l'exemple de la Côte d'Ivoire, ils ont 6 millions d'hectares et ils arrivent à produire près de 2 millions de mètres cubes de bois par an. Avec ses 20 millions d'hectares, Le Congo exploite à peine 900.000 mètres cube par an. On ne coupe pas beaucoup d'essence, la préservation naturelle est donc plus que largement respectée. Dans la partie nord du pays, il y a à peu près 17 millions d'hectares dont 7 millions sont inondés et inexploitables. C'est donc une réserve naturelle en soi.

Quels sont vos partenaires internationaux ?


Il y a le CIRAD-Forêt bien sûr. C'est une structure française de recherches forestières dans les pays tropicaux. Il y a une réunion qui est prévue pour élaborer un certain nombre de projets. Nous avons aussi une collaboration avec l'Organisation Africaine du Bois (OAB) et l'Organisation Internationale des Bois Tropicaux (OIBT) qui collabore aussi avec nous.

Quels sont les problèmes que vous rencontrez dans la gestion quotidienne de votre société ?


Il y a des moments où on a des problèmes au niveau des investissements supportés par l'Etat. Les paiements ne sont pas toujours faciles à obtenir. Heureusement qu'il y a des taxes forestières qui nous parviennent directement et qui nous permettent de travailler sans trop de difficultés.

Que pensez-vous de l'avenir de votre secteur ?


A mon avis c'est un secteur qui est prometteur pour plusieurs raisons. D'abord du fait de l'appui dont nous bénéficions de la part du gouvernement. L'Etat est conscient de l'importance du rôle que doit jouer le secteur forestier. Ensuite le nouveau code forestier nous permet de Créer des activités en collaboration avec les ONG. C'est à dire créer des forêts privées. Ce qui n'était pas possible dans le temps car personne ne pouvait acheter à titre privé. Donc il y a une ouverture et les Congolais en sont conscients. A mon avis, le secteur forestier a beaucoup d'avenir et notre structure aussi.

Depuis que les gens peuvent devenir propriétaires de forêts privées, est ce que ça rencontre beaucoup de succès ?


Ça rencontre beaucoup de succès au niveau national. Ce sont des propriétés de superficies variables. Pour le moment on est dans la phase d'initiation, ça varie autour de 5-10-15 hectares. Mais quand un individu arrive à mettre 2-3-4 hectares autour d'une ville, c'est déjà une richesse qu'il prépare. Si on prend l'exemple de l'eucalyptus, au bout de 4 - 5 ans, quand on le coupe, il se régénère tout seul. Donc pendant 2 ou 3 rotations cet individu va gérer ce massif, vendre sous forme de perche qui sont bien achetées, il peu aussi vendre sous forme de poteaux électriques.
Pour 1 hectare arrivé à maturité, on peu produire 200 mètres cube de bois. Et après, pour la régénération, il n'y a pratiquement pas de travaux à faire.

Avez-vous un message pour nos lecteurs ?


Le message c'est un appel. Un appel à venir renforcer le secteur forestier du Congo qui présente de réels atouts. On a un potentiel forestier très important. Nous sommes parmi les derniers pays au monde à disposer encore de réserves de forêts plus ou moins intactes, où il n'y a pratiquement pas encore eu d'exploitation, surtout dans la partie Nord du pays.

Nous, SNR, sommes une structure qui vient en aide aux populations pour créer des réserves. C'est une réelle occasion pour les populations qui sont souvent pauvres de pouvoir disposer de revenus à partir de ressources de forêts artificielles.
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