Pouvez-vous nous faire
un aperçu historique de votre société
et de son activité ?
Nous sommes en fait un service qui travaille comme
une société. C'est le Service National
de Reboisement (SNR). Il a été créé
en 1989 et avait pris le relais de l'Office Congolais
des Forêts. La principale activité
est la création des massifs artificiels,
la gestion du patrimoine existant. En ce qui concerne
les activités, il faut dire que nous travaillons
aussi bien au niveau de la savane avec les espèces
exotiques, mais aussi au niveau de la forêt
naturelle. Nous procédons aux travaux d'enrichissement
avec les espèces nobles qui sont exploitées
pour des raisons économiques.
Nous sommes installés sur l'ensemble du pays,
avec ce que nous appelons des stations, mais également
des pépinières. Nous avons des pépinières
de très grandes capacités et des pépinières
régionales pour les besoins de production
de bois de chauffe et de service.
Qu'est ce que vous appelez " Station "
exactement ?
Les stations sont des unités de production
qui travaillent pour la création de ces massifs
forestiers artificiels. Dans ces stations il y a
des chefs qui représentent le Directeur Général.
Ils ont un programme et un budget. Ils jouissent
donc d'une semi-autonomie pour réaliser leurs
activités de replantation ou d'enrichissement.
Par rapport aux pépinières, les stations
disposent de moyens un peu plus substantiels pour
permettre de réaliser leurs activités.
Et les pépinières régionales
travaillent surtout pour des besoins de production
des plants destinés aux populations.
Donc vous travailler à la réalisation
des plantations forestières ?
Actuellement, les nouveaux textes permettent de
disposer de forêts privées. Et de plus
en plus, les Congolais s'intéressent aux
plantations privées. C'est une activité
que nous sommes en train d'encourager, étant
donné que le SNR était au départ
une structure qui ne travaillait qu'au sud du pays
où les zones sont dégradées,
contrairement à la partie Nord du pays qui
dispose encore d'un potentiel assez important.
Maintenant il y a un redéploiement sur l'ensemble
du pays et pratiquement avec les même moyens.
Donc nous sommes en train de favoriser la réalisation
des plantations forestières privées.
Il y a des individus qui désirent avoir des
forêts privées, il y a des associations
aussi, des ONG. C'est dans ce cadre que nous sommes
en train de créer des pépinières
pour distribuer des plants aux populations, pour
créer leurs forêts et nous fournissons
l'expertise.
Quelle superficie gérez-vous sur tout le
Congo ?
Sur l'ensemble du pays, nous avons un peu plus de
20.000 hectares de plantation et la grande partie
se trouve en forêt naturelle où nous
procédons à la plantation des espèces
autochtones.
Quelle est la répartition entre plantation
en forêt naturelle et plantation en savane
?
A peu près 50 % chacune. Maintenant la tendance
est beaucoup plus d'aller du côté de
la forêt naturelle, étant donné
que nous avons déjà une structure
ici à Pointe-Noire qui s'appelle ECO-SA qui
a de très grandes superficies en eucalyptus
sur savane.
Quelle est la politique nationale en matière
de reboisement ?
Les gouvernements successifs que nous avons connus
ont toujours accordé une attention particulière
au secteur forestier. Même dans les moments
les plus difficiles de crise, on n'a jamais connu
une période de rupture au niveau du secteur
forestier.
Au niveau de la forêt naturelle, la politique
était au départ l'attribution de
petits permis d'exploitation. Actuellement ce
sont de grandes concessions que nous octroyons
aux sociétés forestières.
Leurs permis d'exploitation peuvent durer jusqu'à
50 ans. Dans ce même contexte, en tant que
société de reboisement, nous avons
signé des contrats avec ces sociétés
d'exploitation pour pouvoir replanter dans leurs
concessions. On peut ainsi suivre leur rythme
d'exploitation, ce qui permet d'arriver à
un moment donné à un cycle fermé.
C'est à dire arriver à faire en
sorte qu'il n'y ait pas de rupture ni d'épuisement
des ressources grâce aux espèces
que nous aurons ajoutées de façon
artificielle.
Au niveau de la savane, là où il y
a des besoins en bois de chauffe et bois de service,
la politique consiste à créer des
pépinières pour produire des plants.
En produisant des plants qu'on met à la disposition
des populations, nous avons la possibilité
de suivre la réalisation sur le terrain.
Ce qui compte pour nous, c'est de comptabiliser
les surfaces que nous avons nous même en tant
qu'entité de reboisement, et celles réalisées
par les ONG et les privés.
Donc l'Etat vous charge de " contrôler
" ce que font les sociétés à
qui sont attribués les concessions?
Non ce n'est pas un contrôle en tant que tel.
C'est plutôt un appui. Ce sont des contrats
qui nous permettent de les appuyer sur le terrain.
En fait c'est l'Etat qui favorise, parce que c'est
une politique qui jusque là fonctionne bien.
C'est à dire qu'il y a des taxes que ces
sociétés devaient payer à l'Etat,
mais qui sont utilisées dans le cadre du
reboisement. Donc les montants de ces taxes sont
utilisés dans le cadre du reboisement des
zones exploitées.
Nos lecteurs aiment bien les chiffres, pouvez-vous
nous donner un aperçu de votre chiffre d'affaires
?
Nous sommes une structure qui ne vit que des subventions
de l'Etat. Le matériel végétal
que nous mettons en place, une fois arrivé
à maturité est restitué à
l'Etat et c'est lui qui le commercialise.
Y a t-il un programme de privatisation de la SNR
comme pour l'ensemble des entreprises d'Etat ?
Non !Pour l'instant on ne pense pas. On ne parle
pas encore de privatisation. Mais ça, c'est
du ressort du gouvernement. Ça n'a pas encore
été mentionné pour notre société,
parce qu'on estime qu'avec le travaille qu'on fait
actuellement, il n'y a pas beaucoup de structures
qui voudraient s'engager dans ce domaine du reboisement.
Quand vous prenez l'exemple du Limba (essence de
bois), il faudrait une rotation de 40 ans pour pouvoir
rentabiliser. Et là, il n'y a pas d'engouement.
Par contre, l'Etat peut trouver des structures privées
qui peuvent gérer ou exploiter les 20-25.000
hectares de massifs arrivés à maturité.
Là par exemple, pour les plantations de Limba,
il y a 6.000 hectares dans le Mayombe, 6.000 hectares
d'eucalyptus ici à Pointe-Noire et dans la
vallée du Niari. Des privés peuvent
faire de petits sciages. Par exemple avec les pins
tropicaux nous avons des plantations qui sont arrivées
à maturité. On peut monter une petite
scierie qui peut produire à peu près
25.000 mètres cube par an et qui peut travailler
pendant 30 ans, puisqu'il y aura une rotation. Donc
à ce niveau la privatisation est possible.
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Quels sont vos projets
en terme d'investissements et de développement
?
Au départ on a commencé à travailler
avec des sociétés privées en
nombre assez réduit. Actuellement, il y a
de plus en plus de sociétés forestières
qui sont en train d'exploiter le bois. Donc il y
a certainement beaucoup d'activités qui vont
être engagées dans le cadre des contrats
de replantation. Là j'avoue qu'il y a beaucoup
de travail à faire.
Nos premiers travaux n'étaient que dans le
cadre de projets pilotes. Mais les sociétés
forestières sont intéressées,
la demande se manifeste pour qu'on s'implique davantage
dans le travail de ces sociétés où
nous n'opérons pas encore. Ça c'est
donc un grand champ d'action qui nous attend. Une
grande collaboration entre l'Etat et les sociétés
forestières doit se faire pour pouvoir procéder
à la replantation de ces domaines.
Au niveau des villes et des grandes agglomérations,
nous sommes de plus en plus conscients que l'avenir
appartient aux activités privées.
Si on prend l'exemple de la ville de Brazzaville
dans le cadre de la fourniture du bois de chauffe,
cela représentait, il y a dix ans, un chiffre
d'affaires de 1 milliard de F.cfa/an. Ce n'est pas
nous qui allons fournir le bois de chauffe. Nous
sommes là pour créer les conditions
qui permettent aux privés de s'investir et
satisfaire cette demande. Avec l'eucalyptus en savane
par exemple, il y a une rotation de 4, 5 ou 6 ans
pour approvisionner la ville de Brazzaville, contrairement
à ce qui se passe en forêt naturelle.
Donc nous créons des conditions favorables
à travers la création de grandes pépinières
à grandes capacités, afin d'attirer
ceux qui sont intéressés par des plantations
forestières dans le but d'approvisionner
la ville de Brazzaville et les d'autres grandes
agglomérations comme Nkayi, Dolisie, etc.
Votre société participe t-elle à
des recherches en vue d'améliorer la productivité?
Je suis chercheur forestier de formation. J'ai passé
15 ans de recherches forestières au Centre
Technique Forestier Tropical (CTFT) qui est devenu
le CIRAD-Forêt. A l'époque on l'appelait
CTFT-Congo. Pour le moment j'ai un regard de développeur,
avec quelques instincts et réactions de chercheur.
Nous avons signé un contrat avec le Centre
de Recherches Forestières. C'est eux qui
font les recherches et nous leur disons ce que nous
voulons et finançons.
Concrètement qu'est ce qui se passe au niveau
de la recherche ?
Ce qui est sur le terrain, c'est du matériel
végétal de qualité. C'est le
fruit de plusieurs années de recherches.
Par exemple, ce sont des clones d'eucalyptus qui
poussent plus vite, qui ont des rendements beaucoup
plus importants que ce qui a été utilisé
auparavant ou jusqu'à présent. Au
niveau de la forêt naturelle, la recherche
nous aide à mettre au point de nouvelles
techniques pour rendre les opérations moins
coûteuses en terme de techniques de sylviculture.
Nous avons au niveau interne du SNR une petite structure
qui mène de la recherche, mais pour des aspects
précis. C'est à dire pour avoir des
bois qui n'ont pas de grosses branches, pour pouvoir
disposer de techniques d'entretien pas trop coûteuses,
etc.
Vous ne vous occupez donc pas directement de l'exploitation
?
On ne s'occupe pas directement de l'exploitation.
L'Etat cherche des exploitants pour valoriser ses
massifs, même pour ce que nous sommes en train
de mettre en place ou pour ce qui est déjà
à maturité?
Le Congo dispose t-il de réserves ?
Les Institutions Internationales souhaitent que
dans chaque pays, à peu près 10 %
de la superficie forestière soit destinée
à la réserve. Nous remplissons pleinement
ce désir. Prenez l'exemple de la Côte
d'Ivoire, ils ont 6 millions d'hectares et ils arrivent
à produire près de 2 millions de mètres
cubes de bois par an. Avec ses 20 millions d'hectares,
Le Congo exploite à peine 900.000 mètres
cube par an. On ne coupe pas beaucoup d'essence,
la préservation naturelle est donc plus que
largement respectée. Dans la partie nord
du pays, il y a à peu près 17 millions
d'hectares dont 7 millions sont inondés et
inexploitables. C'est donc une réserve naturelle
en soi.
Quels sont vos partenaires internationaux ?
Il y a le CIRAD-Forêt bien sûr. C'est
une structure française de recherches forestières
dans les pays tropicaux. Il y a une réunion
qui est prévue pour élaborer un certain
nombre de projets. Nous avons aussi une collaboration
avec l'Organisation Africaine du Bois (OAB) et l'Organisation
Internationale des Bois Tropicaux (OIBT) qui collabore
aussi avec nous.
Quels sont les problèmes que vous rencontrez
dans la gestion quotidienne de votre société
?
Il y a des moments où on a des problèmes
au niveau des investissements supportés par
l'Etat. Les paiements ne sont pas toujours faciles
à obtenir. Heureusement qu'il y a des taxes
forestières qui nous parviennent directement
et qui nous permettent de travailler sans trop de
difficultés.
Que pensez-vous de l'avenir de votre secteur ?
A mon avis c'est un secteur qui est prometteur pour
plusieurs raisons. D'abord du fait de l'appui dont
nous bénéficions de la part du gouvernement.
L'Etat est conscient de l'importance du rôle
que doit jouer le secteur forestier. Ensuite le
nouveau code forestier nous permet de Créer
des activités en collaboration avec les ONG.
C'est à dire créer des forêts
privées. Ce qui n'était pas possible
dans le temps car personne ne pouvait acheter à
titre privé. Donc il y a une ouverture et
les Congolais en sont conscients. A mon avis, le
secteur forestier a beaucoup d'avenir et notre structure
aussi.
Depuis que les gens peuvent devenir propriétaires
de forêts privées, est ce que ça
rencontre beaucoup de succès ?
Ça rencontre beaucoup de succès au
niveau national. Ce sont des propriétés
de superficies variables. Pour le moment on est
dans la phase d'initiation, ça varie autour
de 5-10-15 hectares. Mais quand un individu arrive
à mettre 2-3-4 hectares autour d'une ville,
c'est déjà une richesse qu'il prépare.
Si on prend l'exemple de l'eucalyptus, au bout de
4 - 5 ans, quand on le coupe, il se régénère
tout seul. Donc pendant 2 ou 3 rotations cet individu
va gérer ce massif, vendre sous forme de
perche qui sont bien achetées, il peu aussi
vendre sous forme de poteaux électriques.
Pour 1 hectare arrivé à maturité,
on peu produire 200 mètres cube de bois.
Et après, pour la régénération,
il n'y a pratiquement pas de travaux à faire.
Avez-vous un message pour nos lecteurs ?
Le message c'est un appel. Un appel à venir
renforcer le secteur forestier du Congo qui présente
de réels atouts. On a un potentiel forestier
très important. Nous sommes parmi les derniers
pays au monde à disposer encore de réserves
de forêts plus ou moins intactes, où
il n'y a pratiquement pas encore eu d'exploitation,
surtout dans la partie Nord du pays.
Nous, SNR, sommes une structure qui vient en aide
aux populations pour créer des réserves.
C'est une réelle occasion pour les populations
qui sont souvent pauvres de pouvoir disposer de
revenus à partir de ressources de forêts
artificielles. |