CAMEROON
The new locomotive of Western Africa

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Interview avec

Monsieur Zacharie PEREVET,
Ministre de l'Agriculture


Le 18 septembre 2000

Question 1 : Excellence, voudriez-vous nous donner un aperçu des objectifs qui sont les vôtres depuis que vous êtes arrivé au Ministère de l’Agriculture ?

Réponse 1 : Il y a deux objectifs principaux en matière de politique agricole. Il s’agit d’abord d’assurer la sécurité alimentaire des populations camerounaises, ce qui représente l’aspect fondamental de la politique menée au niveau gouvernemental, ensuite de parvenir à augmenter les revenus des populations agricoles pour lutter contre la pauvreté. C’est à dire accroître les niveaux de production pour nourrir les populations, produire pour pouvoir vendre plus et obtenir des revenus.

Au Cameroun l’agriculture est la base, le moteur, le vrai soutien de l’économie du pays ; cette affirmation se justifie à plusieurs titres:

Vous savez qu’au Cameroun, sur environ quinze millions d’habitants, 70 à 80% sont employés par l’agriculture. Nos responsables, le Premier Ministre, le chef de l’Etat sont des agriculteurs : chacun possède au moins une petite parcelle. De manière générale, tous les Camerounais sont agriculteurs. Il est intéressant de noter que 30 à 35% du Produit National Brut (PNB) provient du secteur agricole. Les exportations peuvent en terme de tonnage représenter jusqu'à 60% des exportations hors pétrole. Il est donc évident que l’économie camerounaise ne peut pas se passer de l’agriculture. Voilà pourquoi le gouvernement porte une attention particulière à l’agriculture dans notre pays.

Cette importance se justifie naturellement en terme de budgétisation. Le budget du secteur agricole fait en effet parti des plus importants dans la répartition des budgets en cours. Au même titre que l’éducation, la santé ou les travaux publics. Ces fonds rendus disponibles permettent de conduire notre politique agricole : l’amélioration de la productivité et de l’accessibilité aux centres de stockages et de productions, la mise en place du développement rural, la diversification de la production, ainsi que la diffusion des techniques nouvelles. Nous mettons tout en œuvre pour améliorer le secteur, car l’agriculture, c’est la vie et même un mode de vie pour les Camerounais.

Q. 2 : Comment expliquez-vous que le Cameroun soit parvenu à atteindre, en terme de niveau de production, un seuil qui le positionne proche de l’autosuffisance alimentaire.

R. 2 : L’explication réside dans le fait qu’il existe au Cameroun une diversité de climats, de paysages et de cultures très importantes. On peut grosso modo distinguer une partie septentrionale, une autre caractérisée par la steppe, une troisième recouverte par la savane, une quatrième est dite intermédiaire, le Sud en est une autre, et enfin le littoral qui recouvre également des aspects très particuliers.

La partie septentrionale se caractérise par plusieurs types de cultures. Dans cette zone, où le niveau de pluviométrie se situe entre 900 et 1000 mm au mètre carré par an, sont produites les céréales, le coton, toutes les cultures annuelles en dehors de celles dont la croissance dépend d’une augmentation du niveau de la pluviométrie. Sinon, toute cette partie peut produire les céréales basses notamment le riz, le sorgho, le fonio, l'arachide et tous les légumes existants ainsi que les agrumes.

La région dite intermédiaire, qui couvre le Haut plateau de l’Adamaoua, est bien arrosée : la pluviométrie y atteint facilement 1500 à 2000 mm de pluie par an. Sont produites dans cette zone toutes les cultures précédemment mais il est également possible d’y produire des cultures qui se développent dans des milieux beaucoup mieux arrosés. Sont notamment concernés les tubercules. Cette zone est grande productrice de manioc, d’ignames, d’avocatiers, de safoutiers ou encore de bananes

Si l’on s’intéresse maintenant à la zone géographique dans laquelle nous nous trouvons, c’est à dire le Sud du Cameroun, on retiendra principalement que cette région a la chance de connaître quatre saisons annuellement : Deux saisons de pluies et deux saisons sèches. Ici les agriculteurs ont la possibilité de produire deux fois l’an, ce qui est cependant le cas également dans les zones du centre, de l’Est et du sud. En fait, en dehors des céréales traditionnelles telles que le sorgho ou le mil qui ne demandent pas beaucoup d’eau, on peut produire dans cette zone quasiment tout ce que la nature compte de cultures imaginables. Ainsi même une denrée aussi nécessiteuse d’eau que le maïs peut être aisément cultivé ici.

Enfin il existe également au Cameroun une partie dite littorale, partie dans laquelle peuvent être clairement distinguées deux zones : une première qui couvre la région côtière de Douala où l’on retrouve beaucoup des grandes cultures pérennes qui existent sur le continent : c’est le cas pour l’hévéa, le palmier à huile ou encore la banane. La seconde correspond au Sud Ouest ou il pleut près de 10 mètres cubes au mètre carré annuellement. Ceci est un phénomène extrêmement rare dans le monde. Il s’agit je crois d’une des seules zones sur la planète où se trouve pareil phénomène climatique. Dans cette partie du Cameroun il est en fait possible de cultiver tout ce que la Terre peut porter et receler comme cultures.

Vous comprendrez, alors qu’il s’agit ici des zones et des caractéristiques principales, car il existe encore certaines particularités ou régions ayant leurs propres caractéristiques, c’est le cas par exemple dans l'Ouest où il existe en effet également une zone de transition comme celle de l'Adamaoua dont nous parlions tout à l'heure. Donc, toutes ces caractéristiques, et ces disponibilités physiques autorisent le Cameroun à produire un grand nombre de cultures afin de mettre en œuvre l’agriculture la plus performante dans notre pays, pour le bien être des populations qui y vivent.

Effectivement, nous sommes globalement dans une situation favorable avec des possibilités d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Si l’on considère le Cameroun dans sa globalité, nous pouvons nourrir toutes nos populations et exporter les excédents de production. Les Gabonais, les Congolais, les Centrafricains, les pays voisins et amis se nourrissent en grande partie avec des produits en provenance du marché camerounais. Maintenant il est nécessaire d’évoquer un des aspects sur lequel le gouvernement travaille le plus fermement, c’est celui de la sécurité alimentaire pour tous. Selon la définition de la FAO de la sécurité alimentaire, il faut aborder la question non seulement en terme de production et de quantité, mais penser aussi autant en terme d’accessibilité. Ici lorsque je parle d’accessibilité c’est en terme de voie de communications, d’entrepôts, de revenus et ainsi de suite car comme vous le constaterez généralement à l’Ouest, les produits pourrissent parfois et ne peuvent être acheminés vers les zones défavorisées, notamment la partie septentrionale ou vers des relais de distributions vers l’extérieur ou l’intérieur du pays. On constatera alors qu’il peut y avoir production quelque part et que la famine sévit ailleurs. Il s’agit ici du principal problème des Camerounais : assurer la sécurité alimentaire des populations qui est bien effectivement l’un des objectifs principaux de la politique agricole du gouvernement.

Pour le reste, soulignons que, si la production est assurée de façon plutôt satisfaisante, en terme de consommation il existe un certain nombre de problèmes tout à fait essentiel : il s’agit de l’accès à la consommation. Il y a une suffisance en terme de volume de production au Cameroun mais l’accès reste difficile pour beaucoup d’individus et de familles dans la population. L’accès est difficile, parce que les revenus restent insuffisants pour acheter des produits dont le prix a pu tripler par rapport aux coûts de production en raison des coûts d’acheminement, de transports. Ceci constitue l’un des grands défis de l’agriculture camerounaise dans les années à venir.

Q. 3 : Nous savons que le Cameroun est un des grands producteurs de bananes au monde. Pourriez-vous nous donner un aperçu des productions agricoles qui représentent les plus grands rendements atteints dans le pays. De même pouvez vous énoncer quelles sont selon vous les grandes forces et les piliers du secteur agricole au Cameroun.

R. 3 : La production de banane représente à elle seule au moins 250 000 tonnes annuellement, ce qui néanmoins demeure très en deçà des rendements atteints par les grands pays producteurs, tel que l’Equateur qui totalise à lui seul quelques 2 000 000 de tonnes exportées annuellement. Mais je tiens à souligner que le Cameroun produit une banane de très bonne qualité, qui doit pouvoir être exportée de manière encore plus significative à l’étranger malgré les problèmes que cette filière peut parfois rencontrer.

Il existe au Cameroun également un secteur de production important : l’hévéa. Sa production oscille entre 55 000 tonnes et 60 000 tonnes annuellement. La production d’huile de palme oscille entre 100 000 et 120 000 tonnes par an. Je ne parle pas de la production en milieu paysan mais uniquement de la production qui résulte des grandes exploitations. Voici pour les secteurs les plus porteurs aujourd’hui, mais de nombreuses filières sont entrain d’être développées afin de parvenir à des rendements plus significatifs.
Ces cultures sont par exemple le thé, qui ne représente à l’heure actuelle qu’une production modeste de 5000 tonnes par an. Le coton a atteint 250 000 tonnes. Je n’oublie pas bien sûr le cacao qui est une des cultures traditionnelles d’exportations au Cameroun avec une production qui varie en fonction des conditions climatiques entre 100 000 à 120 000 tonnes par an. S’agissant du café, les taux de production ont atteint plus de 110 000 tonnes annuelles, mais depuis un certain temps, la production a régressé avec 60 000 à 70 000 tonnes seulement produites chaque année. Ce sont les principales productions, il existe bien évidemment un secteur important qui ne relève pas de mon Ministère mais en est certainement proche, c’est celui du bois, où les résultats obtenus sont assez intéressants.

Voilà donc les produits important dans le secteur agricole, en ne s’intéressant évidemment qu’aux produits d’exportation d’agriculture, je ne parle pas de céréales qui sont consommés localement. Si l’on prend par exemple le maïs, les rendements atteints font état d’environ 700 000 tonnes annuelles. En ce qui concerne le sorgho, qui n’est lui uniquement consommé et produit que dans le Nord et l’Extrême Nord, la production équivaut à des productions atteignant 700 000 tonnes à peu près, parce que le sorgho est clairement la base essentielle de la consommation au Nord Cameroun. Le riz est aussi une culture essentielle dans l’alimentation camerounaise, la production est importante avec des productions qui avaient atteint 100 000 tonnes il y a peu et qui aujourd’hui ont régressés à 50 000 tonnes par an. L’ananas est une culture très intéressante pour laquelle nous atteignons des rendements qui dépassent déjà 10 000 tonnes dans les exploitations destinées à l’exportation. Bien sûr il faut souligner l’existence au Cameroun d’un certain nombre de produits qui ne sont pas cultivés dans de grandes exploitations mais qui ont une importance considérable puisqu’ils constituent la consommation de base des populations ; il s’agit notamment du manioc par exemple, du macabo, également la banane de consommation locale appelée « plantain », qui est une des composantes essentielles de l’alimentation et de la nourriture camerounaise.

Ensuite je tiens tout de même à ajouter quelques chiffres à ce bref inventaire, car quand bien même il ne s’agit pas d’éléments dépendants directement de mon Ministère, je peux ne pas ignorer que le Cameroun compte sur l’étendue de son territoire plus de 4 000 000 bovins et que plus de 150 000 tonnes de poissons sont destinées à l’exportation. Il s’agit ici d’un premier aperçu de ce que sont les performances actuelles du secteur agricole au Cameroun.

Q. 4 : En terme de partenariat et en terme d'ouverture, on sait que les partenaires privés au Cameroun sont de plus en plus liés à l’économie et travaillent de plus en plus de concert avec les politiques, pouvez-vous nous donner des exemples de projets que vous avez contribué à mettre en place avec des partenaires privés, des projets dont vous êtes particulièrement fier ou des projets que vous avez envie de mettre en place.

R. 4 : En effet vous avez parfaitement raison, l’état camerounais a décidé d’opérer un désengagement significatif de tous les secteurs d’activité depuis que la libéralisation de l’économie est en cours dans notre pays. C’est une option qui a été clairement prise afin de développer le pays et de l’ouvrir au monde et donc de promouvoir le secteur privé. Il faut rappeler qu’avant le début des années 80, l’état occupait tout l'espace : l'Etat produisait, vendait, importait les engrais et en assurait la distribution et la vente. Avec les changements mis en œuvre dans tous les secteurs de l’économie et avec l’ambition de parvenir à une libéralisation de l’économie, le secteur agricole s’est également adapté à la situation. Mais en se désengageant du champ qu’il occupait auparavant, l’Etat a forcement dû s’organiser pour qu'effectivement des opérateurs, des organisations privées ou des regroupements prennent en charge la production et organisent les activités dans le secteur. Ce travail long et indispensable a été entamé à plusieurs niveaux, au premier rang desquels le niveau local, c’est à dire les populations qui par le biais d’une loi mise en vigueur en 1992 et qui traite des groupements et des initiatives communes, a permis que beaucoup d'organisations paysannes de producteurs se mettent en place. Ce travail a trouvé son prolongement dans la mise en place d’un certain nombre de structures privées. On peut en citer au moins deux essentielles : l'AGROCOM tout d’abord qui nous permet de mettre en œuvre un projet de diversification des exportations agricoles, projet qui regroupe et organise le travail et la production tant des exploitants agricoles que des producteurs et de tous ceux qui interviennent dans le circuit de production agricole. C’est un projet important et déterminant pour permettre le développement de notre agriculture dans des proportions autres. Car les missions de l’AGROCOM sont essentielles, elles tiennent notamment à la recherche de débouchés à l’extérieur, mais également à la mise en place d’entrepôts ou de toutes infrastructures visant et permettant l’amélioration du circuit de production et de commercialisation.

Il existe également dans le secteur des produits de rentes traditionnelles que sont le cacao et le café ce que nous appelons le C.I.C.C. (Conseil Interprofessionnel Cacao-Café) qui joue le rôle d'intermédiaire entre les représentants du secteur et l'administration. Ce sont donc ces deux structures privées qui nous permettent de franchir des étapes importantes dans les domaines tels que la recherche et la promotion des exploitations.

Il est plus qu’évident que ces deux structures reçoivent tout notre appui et que nous entendons continuer à travailler ensemble pour améliorer encore le secteur agricole au Cameroun. Nous sommes d’ailleurs entrain de voir aussi dans les autres filières agricoles comment peuvent être mises en place de telles organisations sur la forme de celles évoquées plus haut. Notre souci est qu’il y ait dans les grandes filières de production une organisation de ce genre qui soit donc à la fois le relais entre les producteurs, les exportateurs et l'Etat. Nous sommes ainsi entrain d’organiser une telle structure dans le secteur du palmier à huile ainsi que dans le secteur de l'hévéa. Il n'y a plus de choix maintenant. L'Etat ne s’est pas désengagé des activités de production de gaieté de cœur, en réalité il ne pouvait plus faire face et rivaliser avec les grands producteurs mondiaux. Dans ces conditions il est apparu important de promouvoir l’arrivée et l’établissement de ceux qui sont mieux outillés pour pouvoir assurer la production et développer le secteur. L’Etat devient alors le garant des règles du jeu économique qu’il fixe de façon à réglementer le secteur, et c’est cet aspect qui est devenu essentiel pour lui : réglementation, promotion et planification des grandes orientations économiques au niveau des secteurs à mettre en relief. Je ne veux pas omettre de parler du GIGAM qui est le Groupement Interprofessionnel des Entreprises Patronales, cet organe est d’ailleurs parmi ceux que nous sommes régulièrement amenés à consulter ou à conseiller. Nous travaillons désormais ensemble pour faire avancer l’agriculture et le Cameroun.

Q. 5 : Ce magazine est destiné à des hommes d'affaires, à des personnes qui aimeraient certainement investir dans votre secteur, en étant le Ministre et le représentant de ce secteur, quel est le message que vous voudriez leur adresser.

R. 5 : Nous devons considérer que le Cameroun est un chantier, car en effet une série de chiffres qui concernent les productions existantes au Cameroun, il est nécessaire de bien comprendre et de bien mesurer à quel point ces productions peuvent être multipliées par trois ou par quatre et même pourquoi pas par cinq, tant les outils de production peuvent encore permettre d’accroître les rendements actuels, et tant le territoire camerounais offre encore de terres encore inexploitées. Il y en a suffisamment pour pouvoir cultiver encore au moins 70000 hectares encore vierges. Il m’importe donc de souligner que nous voulons exploiter cette possibilité qui existe au Cameroun de produire beaucoup. Le Cameroun est d’autre part un pays d’accueil, un pays où la population est hospitalière, et où la culture de la différence et de la tolérance est un trait fondamental, avec notamment plus de 250 ethnies qui se répartissent sur tout le territoire. Le Cameroun est très diversifié et riche du dynamisme de sa population, son agriculture offre des possibilités que nous avons évoquées auparavant et qui lui donne le rang, si l’on ajoute à ces éléments la stabilité que connaît le pays depuis plusieurs décennies, de pays ayant un très fort potentiel de développement. Vous découvrirez encore de nombreuses richesses au Cameroun et de nombreuses opportunités, on dit de notre pays qu’il est « l’Afrique en miniature ». Donc je crois qu'il y a des potentialités à saisir ici. Je crois que la chance a voulu que l'économie commence à marcher : beaucoup de reformes ont été entreprise pour y parvenir, même en matière de démocratie, vous sentez que la volonté est là pour améliorer la situation. Donc le Cameroun est vraiment prêt aujourd’hui à recevoir tous les amis qui veulent bien s'installer et faire des affaires dans notre pays.


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© World INvestment NEws, 2001. This is the electronic edition of the special country report on Cameroon published in Forbes Global Magazine, October 1st, 2001. Developed by Agencia E.