LA
PRESSE ECRITE EN ALGERIE
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La presse algérienne jouit aujourd'hui
d'une liberté de ton, héritage
d'une histoire sanglante, que lui envi tous
les pays du monde arabe. Cette liberté
est accompagnée par la création
de nombreux titres, francophone et arabophones
confondus, qui dépassent aujourd'hui
la trentaine. Le Khabar, quotidien arabophone,
a le tirage le plus important avec 400.000 exemplaires
; suivent Liberté, le Quotidien d'Oran
et le Matin, avec plus de 100.000 exemplaires.
Ces quotidiens sont vendus à 10 DA (0,15
euros). Un cadre réglementaire a également
été mis en place aussi bien par
les journalistes, avec la création de
nombreux organes de régulation à
l'image du SNJ, que par le gouvernement avec
la promulgation récente d'une nouvelle
loi sur l'information. A l'image du pays, la
presse algérienne connaît sa période
de transition vers une plus grande ouverture
qui va de paire avec une démocratisation
croissante.
Les
années noires ; la nouvelle génération
de journalistes, les combattants
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57 assassinats de journalistes de 1993 à
1996, 5 cas de disparition à la même
période. En effet les journalistes,
au même titre que les femmes et intellectuels
du pays, se sont retrouvés au devant
de la scène durant cette période
noire. Afin de continuer à informer,
ils ont dû faire preuve de courage et
parfois même de témérité
pour défendre la presse libre. La pression
que connaissaient ces journalistes était
bien évidement tout d'abord dût
aux divers groupes islamiques armés
(GIA Groupe Islamique armés, AIS Armée
islamique du Salut et le FIDA Front islamique
du Djihad armé) mais également
au pouvoir, qui imposait de ne publier des
informations traitant des questions liés
à la sécurité qu'après
accord des autorités.
L'organisation
de la presse nationale |
Les professionnels des médias
ont trop souffert de l'absence d'un cadre syndical
de défense de leurs intérêts
matériels et moraux. Diverses tentatives
de se doter d'une organisation syndicale ont
longtemps échoué alors que les
conditions de vie et de travail des journalistes
se dégradaient. Ainsi en 1998, suite
à l'organisation d'une journée
d'étude par la Fédération
Internationale des Journalistes d'Alger, une
motion est lancée afin d'incentiver "
la corporation à se doter d'un cadre
organisationnel réellement représentatif
". Les journalistes de divers quotidiens
(Le Soir, la Tribune, El Watan, le Matin, El
Khabar et Liberté) lancent également
un appel " à tous les confrères
de la presse écrite et audiovisuelle
des secteurs publics et privés afin de
mobiliser les collectifs rédactionnels
au niveau de chaque organe (
) et désigner
des représentants en vue de mettre en
place une coordination nationale des rédactions
". Ainsi la CDR (Coordination des rédactions),
structure informelle chargée, entre autre,
de préparer des assises pour une organisation
syndicale, se réunit pour la première
fois le 14 décembre 1997. Suite à
un travail de sensibilisation, d'information
et de mobilisation à large échelle,
le 4 juin 1998, ces assises sont enfin organisées
au siège de la principale centrale syndicale
d'Alger avec la présence de quelques
250 journalistes. A l'issue d'une journée
de travail et de réflexion, une organisation
syndicale, la SNJ (syndicat national des journalistes)
est crée. L'article 4 des statuts de
la nouvelle organisation qui stipule que le
SNJ est ouvert " à tout journaliste
sans distinction d'opinion politique à
condition qu'elle ne fasse pas l'apologie, sous
quelque forme que ce soit, du fanatisme, de
la violence, du crime, du racisme et du sexisme
" est une nouveauté puisqu'il s'agit
de la première organisation syndicale
qui bannit explicitement, en l'inscrivant dans
ses statuts, le sexisme comme forme d'ostracisme.
Les
dispositions juridiques |
Ainsi, comme souligné dans
le rapport annuel de Reporters Sans Frontières
(novembre 2002) les autorités disposent
d'appuis légaux forts qui leurs permettent
de faire pression sur la presse. En effet le
16 mai 2001, l'assemblée nationale populaire
a adopté un projet d'amendement du code
pénal dont l'article 144 bis prévoit
des peines de 2 à 12 mois d'emprisonnement
et des amendes de 50.000 à 250.000 DA
(720 à 3600 euros) contre toute "
atteinte au président de la république
en terme contenant l'injure, l'insulte ou la
diffamation (
) ".
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Ces sanctions sont également
applicables quand ces délits sont commis
à l'encontre du " parlement ou de l'une
de ses deux chambres ou de l'ANP (l'armée
nationale populaire) ". Il convient de souligner
également dans ce cadre l'avant de projet
de loi sur l'information, présenté
par le ministre de la communication le 14 octobre
2002 et qui constitue, selon Maître Bourayou,
avocat spécialisé dans les affaires
de presse, " un verrou supplémentaire
pour bâillonner la presse, après le
code pénal ".
En effet malgré l'absence de peine d'emprisonnement
pour les délits de presse ce projet de
loi implique une marge de manuvre réduite
pour les nouvelles publications. Ainsi un accord
du ministère de la communication et de
la culture est requis pour la création
de tout nouveau titre ; Ce qui semble révolter
la profession est le fait qu'il soit explicitement
affirmé que " le silence de l'administration
au-delà des 30 jours vaut refus ".
Faiçal Metaoui, rédacteur en chef
d'El Watan commentera en ces termes les précédentes
dispositions le " ministère de la
communication a désormais droit de vie
et de mort sur les journaux ".
Une
liberté de presse à demi-mot |
Le harcèlement de la presse
privée est toujours de vigueur, qu'il soit
judiciaire, économique ou administratif.
En effet l'état garde une main mise sur
la plupart des titres en conservant les imprimeries
publiques desquelles dépendent la plupart
des publications. Ainsi, très récemment
le quotidien Liberté s'est vu dans l'impossibilité
de paraître suite à une divergence
avec son imprimerie. Certains quotidiens tels
que El Khabar et El Watan ont d'ores et déjà
investis ce créneau et disposent aujourd'hui
d'une imprimerie indépendante ce qui les
protègent de ce type d'abus. Cependant,
d'une manière générale, les
journalistes sont encore soumis à la censure
et l'autocensure, les sujets tabous restant nombreux
; La corruption, les droits de l'homme, la DRS
(département de renseignements et de sécurité
algérien), l'influence de l'armée,
etc.
Ainsi on parle, en décembre
2002, du suicide d'un journaliste de l'Est du
pays suite à une confrontation avec les
autorités locales cités dans l'un
de ses articles traitant de corruption. Selon
le ministère de la justice, de 1996 à
2002, 141 journalistes auraient étés
poursuivis dans le cadre de 156 affaires de presse.
Uniquement 24 de ces affaires auraient étés
initiés par le parquet lui-même,
92 autres sur plainte avec constitution de partie
civile et 40 sur plainte avec citation directe.
La grande majorité de ces plaintes aurait
été déposée par des
particuliers. Ces chiffres sont cependant contestés
par de nombreux responsables de médias.
Les
Abus de pouvoir |
La problématique de la presse
algérienne aujourd'hui se pose également
en terme de crédibilité et véracité
de l'information publiée. En effet les
bruits de couloirs deviennent, diffusion oblige,
des scoops publiés en première page.
La déontologie demande donc par nature
une analyse critique de l'information, une vérification
minutieuse des sources de celle-ci devant se conclure
par la parution d'un article cohérent et
juste, ce qui malheureusement n'est pas la règle.
A titre d'illustration nous retiendrons les diverses
attaques qu'a subit cette dernière année
le président de la république notamment
concernant le scandale " Orascom ".
Les relations très critiquées de
ce dernier avec les saoudiens, à travers
la personne de Al Shorafa, ont par la suite été
prouvés non fondés. Par ailleurs,
certains hommes d'affaires n'hésitent pas
à acheter la presse nationale (directeur
de journaux et simples journalistes) afin que
celle-ci soit complaisante à leur égard.
Dans ce cadre, la problématique se pose
également en terme d'éthique et
de déontologie bien plus qu'en terme de
liberté d'expression. En effet il convient
de souligner, dans cette lutte de pouvoir et de
distributions des divers quotidiens, que le peuple
algérien dispose également d'un
droit fondamental ; celui d'être informé.
Il s'agit donc pour les journalistes algériens
de se rendre compte de leur rôle essentiel
dans le développement et la formation d'une
opinion publique encore peu familiarisée
à la critique et à l'analyse. Il
s'agit aussi pour eux de pallier ce manque à
travers la re-définition de leur rôle,
la réhabilitation d'une éthique
et la professionnalisation de leur métier,
par la rigueur essentielle qui s'impose à
leur fonction. Ceci nous mène donc à
nous interroger sur les limites de ce dernier
pouvoir que représente la presse de nos
jours ; liberté de presse certes mais d'une
presse consciente et responsable.
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