THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine


V.I.P. INTERVIEWS
M. Denys GAUER Interview avec

M. Denys GAUER
Ambassadeur de France
3 décembre 2002
Question 1: Mr GAUER, tout d'abord merci beaucoup de nous recevoir. Depuis le fameux " NON " de 1958 et le choix de l'indépendance, la France a toujours eu une relation particulière avec la Guinée. Comment décririez-vous les relations bilatérales entre ces 2 pays aujourd'hui ?

Réponse 1: Les relations entre la France et la Guinée ont effectivement été difficiles à certains moments, en particulier pendant toute la première République, sous la présidence de M. Sékou Touré. Nos relations ont véritablement pris un nouvel essor à partir de 1984, avec la Seconde République. C'est à ce moment là que la France a ouvert en Guinée une Mission d'Aide et de Coopération, et que beaucoup d'entreprises françaises et d'investisseurs sont revenus en Guinée. Parce que nous avons toujours considéré que la Guinée avait un fort potentiel de développement économique, et que le seul obstacle résidait dans les conditions de la gouvernance. La France est rapidement redevenue le premier partenaire économique et commercial de la Guinée. Celle-ci effectue à peu près 20% de son commerce avec la France. La France est aussi le premier bailleur de fonds, donc le premier donneur d'aides à la Guinée, à titre bilatéral et aussi à travers l'Union Européenne. Et la France a aujourd'hui une communauté d'à peu près 3000 de ses nationaux en Guinée.

Q2: Combien d'entreprises françaises sont présentes en Guinée aujourd'hui ?


R2: Nous avons environ 80 entreprises françaises présentes en Guinée. Il y a à la fois des filiales de grandes entreprises françaises, que ce soit dans le secteur bancaire ou dans le secteur hôtelier, mais aussi des français installés durablement en Guinée et qui ont créé des petites entreprises dans le secteur du bâtiment, dans le secteur commercial, ou dans la restauration. C'est une présence qui est très diversifiée.

Q3 : Quelles sont selon vous les opportunités majeures d'investissement pour les sociétés françaises en Guinée ?


R3 : La Guinée réunit beaucoup de conditions favorables pour le développement. Ce pays bénéficie d'abord d'espaces agricoles très étendus et productifs. Le secteur agricole a naturellement vocation à soutenir le développement de Guinée. Avant l'indépendance, la Guinée exportait par exemple 100.000 tonnes de bananes par an. Aujourd'hui, malheureusement, cette activité d'exportation a quasiment disparu. Mais les potentialités sont toujours là et elles peuvent être relancées. Il y a également le domaine minier, pour lequel la Guinée est bien connue du fait de ses réserves de bauxite ; mais il n'y a pas que la bauxite. Il y a aussi le minerai de fer des deux gisements de Simandou et des Monts Nimba qui, d'après les spécialistes, constituent le seul site au monde de cette qualité à n'être pas exploité. Il y a aussi les réserves d'or, de diamant… Les possibilités restent nombreuses dans ce secteur. La France y est présente surtout à travers des entreprises de sous-traitance très actives, tant implantées localement qu'à partir de la France. La Guinée a aussi une façade maritime importante et des ressources halieutiques qui sont loin d'être encore pleinement exploitées. C'est un autre pilier sur lequel peut s'appuyer le développement économique du pays. Le tourisme, enfin, reste à l'état embryonnaire. Alors que la Guinée offre des sites tout à fait intéressants. Ce pays a l'avantage d'associer des régions très diversifiées : il y a la zone côtière, bien sûr, mais aussi le plateau du Fouta Djallon, qui bénéficie d'un climat très agréable, frais du fait de l'altitude et de paysages magnifiques. Il y a la Haute Guinée, zone de savane, et enfin la Guinée Forestière avec des réserves protégées de forêt pluviale (massifs de Ziama et de Diéké, en plus des Monts Nimba à l'écosystème très particulier).

Q4 : Dans quelle mesure l'Ambassade favorise-t-elle l'exploitation de ce potentiel ?

R4 :
Tout notre effort de coopération vise à aider la Guinée à tirer le meilleur parti de ses potentialités. Nous menons ainsi des actions de grande ampleur en faveur du secteur agricole et du monde rural (soutien aux organisations de producteurs, création de pistes rurales, micro - crédit….) Nous finançons des infrastructures indispensables (barrage de Garafiri, routes). Nous sommes aussi très investis dans la valorisation des ressources humaines et tous les aspects de la formation. Nous apportons enfin un soutien institutionnel pour promouvoir une meilleure gouvernance, la sécurité juridique et un véritable état de droit. L'objectif est de créer les conditions qui permettent le développement du secteur productif, et d'attirer l'investissement.
Q5 : Qu'en est-il du rôle de l'Ambassade dans l'appui des activités culturelles et dans la défense de la Francophonie ?

R5 : Nous apportons un appui à l'ensemble du système éducatif guinéen, en particulier par la construction d'écoles, et dans la formation des maîtres. La Guinée a d'ailleurs progressé dans ce domaine et le taux d'alphabétisation est aujourd'hui d'environ 55%. Nous allons à l'avenir renforcer encore notre effort en faveur de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur, aujourd'hui assez démuni. Dans le domaine culturel, Le Président Chirac a inauguré il y a trois ans, le Centre Culturel Franco-Guinéen. Auparavant il n'y avait pas de structure équivalente, et ce centre est devenu rapidement le lieu de rendez-vous de tous les acteurs culturels guinéens, comme de la jeunesse de Conakry. C'est un espace qui est ouvert à toutes les cultures.

Q6 : Nous aimerions aborder un autre volet qui est celui des élections présidentielles en décembre 2003. Quel est votre sentiment face à ces élections ? Est-ce que vous pensez que les relations entre la France et la Guinée pourraient s'en trouver changées, ou va-t-on rester dans une certaine continuité ?


R6 : La Guinée s'est engagée, à partir du début des années 90, dans le multipartisme et l'édification d'une démocratie représentative. Depuis lors, ont été organisées des élections présidentielles, législatives et communales. Les principaux partenaires de la Guinée ont tous constaté que ces processus électoraux, en particulier les plus récents, n'étaient pas pleinement satisfaisants. L'Union Européenne est intervenue à plusieurs reprises et a exprimé sa préoccupation, se fondant en particulier sur l'accord de Cotonou que la Guinée a ratifié et par lequel elle s'est engagée en matière de développement démocratique, et d'amélioration de sa gouvernance en général. Nous espérons que des progrès seront enregistrés dans ce domaine, parce qu'évidemment, la mise en place d'un véritable système démocratique est la condition d'une stabilité durable et donc aussi du développement et de l'attractivité du pays pour des investisseurs.

Q7 : Enfin comme dernière question, est-ce que vous pourriez nous parler de votre parcours professionnel et de votre plus grande satisfaction depuis que vous avez été nommé Ambassadeur en Guinée ?


R7 : Mon parcours professionnel est assez diversifié puisque, dans ma carrière de diplomate, je me suis occupé de dossiers très différents : les relations franco-allemandes, l'Europe centrale, j'ai été 2 fois en poste à Moscou, également à Tokyo. C'est ma première expérience dans un pays africain. J'en suis particulièrement heureux parce que j'ai été vraiment fasciné par la Guinée, par la beauté de ses paysages comme par l'accueil et l'avidité de contacts, d'ouverture au monde de ses habitants. En même temps, ces 3 dernières années n'ont pas été faciles, parce qu'il y a eu en particulier, à partir de septembre 2000, les attaques aux frontières, en provenance du Libéria et de Sierra-Léone. Il y a eu des dévastations et des flux de réfugiés. Ce fut une rude épreuve pour le pays. Et c'est une grande satisfaction que la Guinée ait pu surmonter cette épreuve et ait retrouvé aujourd'hui la paix sur l'ensemble de son territoire.

Q8 : Peut être auriez vous un message final à nos lecteurs de l'EXPRESS, aux investisseurs potentiels qui souhaitent venir ici ?


R8 : Je leur dirais que la Guinée a longtemps été considérée comme devant devenir le pôle de développement de toute l'Afrique Occidentale. Il y a plus de possibilités et de potentiel réunis ici que dans la majorité de ses voisins. Les circonstances politiques ont fait que ce potentiel n'a pu être vraiment exploité jusqu'à présent, mais il est toujours là. Et il faut aider ce pays à trouver le moyen d'aller de l'avant.

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