THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine


V.I.P. INTERVIEWS
MONSIEUR MANSA MOUSSA SIDIBE Interview avec

MONSIEUR MANSA MOUSSA SIDIBE

ANCIEN MINISTRE DE LA PECHE ET DE L'AQUACULTURE
Q1 Nous aimerions commencer par la présentation du secteur de la pêche.

A1: Bien. Merci . Je suis très content que vous m'accordiez cette interview. Je pense que par votre journal ou par vos communications, nous parviendrons à mieux faire connaître notre pays, et à mieux faire accepter nos programmes parce que notre processus de développement en souffre aujourd'hui. Beaucoup de gens ne connaissent pas la Guinée. On continue encore à juger la Guinée de par son " NON " de 1958. " NON " qui a dit à la France que nous ne voulons pas de la communauté française. Et nous continuons à en souffrir, c'est vrai. Aujourd'hui, je crois qu'il faut faire le point. Nous sommes un état qui a acquis son indépendance depuis 44 ans. Nous sommes un état qui s'est organisé, qui est parti d'abord d'un principe d'état socialiste, puis d'un état libérale. Aujourd'hui, il faut nous juger en tant que pays type libérale avec une économie de marché, à l'initiative privée. Je crois qu'il faut nous juger par rapport à cela et oublier un peu le passé qui est un passé lié à un système ayant des conséquences dignes de convictions d'homme politique. Je vais donc vous parler de cette Guinée, vous invitant à nous aider à son développement. Je vais vous parler un peu du secteur de la pêche. Il m'a été confié depuis 1999, précisément le 12 mars. C'est l'un des secteurs clés de notre développement. Nous n'avons que 300 km de cote, mais avec un plateau continental assez riche. Beaucoup d'études depuis longtemps ont prouvé que nous avons un plateau très riche. Et nous sommes situés dans la zone Ouest africain entre le 7ème et le 13ème degrés de latitude Nord, le 8ème et le 15ème degrés de longitude Est. La ville de Guinée dispose d'un environnement marin caractérisé par une diversité et une densité de ressources biologiques. La convergence des frontières maritimes avec la Guinée Bissau au Nord et avec la Sierra Leone au sud limite fortement, vers le large, la zone économique exclusive guinéenne qui couvre environ 71 000 km2 pour un potentiel de capture évalué à 300 000 tonnes/an. Cette zone est caractérisée par une forte productivité biologique à la côte et une décroissance rapide de la richesse halieutique au fur et à mesure que l'on s'éloigne vers le large, avec une prédominance d'espèces caractéristiques des milieux dessalés communautaires pour le peuplement de fond. Globalement, 3 grands espèces peuplent le milieu marin guinéen. Il s'agit premièrement des espèces de fond, comprenant les poissons, les céphalopodes et les crevettes. Les poissons côtiers sont intensément exploités, conséquemment leur biomasse est en diminution sensible. Les céphalopodes coûtent cher et sont très abondants dans le plateau continental. Ils font l'objet d'une grande pêche par les coréens et les chinois et les bateaux de l'Union Européenne. Pour les crevettes, les stocks sont observés, des espèces côtières sont présentes dans les fonds de 40 m et des espèces profondes sur les fonds de 200 à 400 m. Deuxièmement, pour les ressources de la vie, les espèces côtières présentes et les sardinelles sont exploitées exclusivement par les pêcheurs artisans. Les pélagiques migratoires, sardinelles rondes, se retrouvent dans le Nord-Ouest de la zone exclusive de février à avril. Ces espèces sont exploitées par les chalutiers pélagiques pendant toutes les périodes, pratiquement pendant toute cette période relativement courte. Nous avons ensuite, en troisième position, des ressources holostéennes qui sont des espèces saisonnières. La zone exclusive guinéenne n'est qu'une voie de leur transit entre la zone Nord (Sénégal, Mauritanie), où la concentration est forte, et les eaux internationales dans la zone équatoriale. Leur présence en Guinée est liée à la migration Nord-Sud au printemps et Sud-Nord en octobre. Il s'agit des thons. Ils ne sont pas fixes, ils circulent. Elles se rencontrent dans les eaux du sillage et dans des profondeurs supérieures à 200 m. Leur exploitation est exclusivement faite par les flottes de pêche étrangère et notamment européenne. La pêche représente un secteur économique très important pour la Guinée puisqu'elle créé 9.000 emplois directs de pêcheurs et 200.000 emplois indirects (transformateurs, marrailleurs et DDF, etc). Par ailleurs, la production moyenne de 98.000 tonnes de poissons par an montre que la pêche constitue une source alimentaire importante, parce qu'elle fournit 75% de la protéine animale aux populations.

L'approvisionnement des marchés guinéens en poisson est assuré par les débarquements de la pêche artisanale, de la pêche industrielle et des importations. Des bateaux étrangers amènent parfois des poissons. En 2000, les débarquements enregistrés par la pêche industrielle et la pêche artisanale étaient de 870.513 tonnes en plus des 140.109 tonnes importés. 1.010.622 tonnes de poissons sont mis sur le marché guinéen, d'où une consommation nationale moyenne de 14,45kg/habitant et par an contre 7kg/habitant et par an en 1987. Cette contribution est en nette évolution. En Guinée, la pêche peut se subdiviser grosso modo en trois sous secteurs: la pêche artisanale, la pêche industrielle et la pêche continentale dont les productions annuelles se présentent comme suit :

- pêche artisanale : 52.000 tonnes
- pêche industrielle : 23.000 tonnes
- pêche continentale : 5.000 tonnes
- et importations : 18.000 tonnes, soit 98.000 tonnes par an

Q2 On voit que la pêche artisanale est très importante ici en Guinée. Qu'est-ce qui favorise le développement de ce secteur sur la pêche industrielle ?

A2: Vous savez qu'au départ nous ne connaissions que la pêche artisanale. Et c'est elle qui est pratiquée par les populations guinéennes. Et c'est elle qui contribuait à l'alimentation de la population de manière systématique. La pêche industrielle est intervenue longtemps après pour des besoins de commerce. C'est pourquoi, à propos de la pêche artisanale, tous les appuis de nos partenaires ont été fortement accentués. Le Japon, l'Union Européenne, l'ADF, la FAO, l'ONUDI, pratiquement tous les bailleurs de fonds ont mis suffisamment d'importance vers le secteur de la pêche artisanale. Comme vous l'avez vu tout à l'heure, elle mobilise non seulement assez de personnels, en direct comme en indirect en matière d'emplois. Elle fournit au marché beaucoup plus de poissons. Vous avez vu, les chiffres sont révélateurs : 52.000 tonnes ; donc elle dépasse plus de 50% la couverture du territoire. Aujourd'hui, le gouvernement guinéen a justement pris conscience de cela. Et dans le cadre du développement de la pêche de manière générale, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté en particulier, nous avons pris comme indicateur la réalisation des villages de pêcheurs parce que, malgré le fait que cela créé beaucoup d'emplois et que cela produit beaucoup de poissons, les poches de pauvreté se trouvent là. Alors dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, nous avons décidé de faire des villages de pêcheurs. Des indicateurs de premier ordre. Normalement, dans la mesure où nous recevons effectivement la réduction de nos dettes et dans la réalisation de projet contre la pauvreté, il est prévu un minimum de 6 villages chaque année.

On n'a pas encore démarré, nous sommes juste au début. On a un bureau d'étude qui est en train de faire des études mais tous les sites ont été identifiés. Ceci dit, en bordure de mer la pêche continentale a su se développer. Vous savez chez nous on fait la pêche dans les fleuves, dans des mares. Et la pêche dans les mares représente des rites très importants. Dans la fête de la mare à Baro, c'est le monde entier qui vient. Parce que là, les femmes qui n'ont pas d'enfants viennent là pour demander à la mare que Dieu leur accorde des enfants. D'autres demandent la richesse. Alors le Gouvernement a mis une importance capitale sur le secteur de la pêche artisanale. Aujourd'hui, avec les financements de la BAD, avec les financements de l'AFD, nous avons un grand projet de développement des ports artisanaux. En plus de cela, nous avons dans le cadre de la lutte contre la pauvreté un programme de PPCE, nous avons un ensemble de projets à réaliser aussi bien en bordure qu'à l'intérieur du pays.

Q3 Quelles opportunités mettez-vous en avant pour les investisseurs étrangers intéressés par votre secteur ?

A3: Ecoutez, les opportunités c'est naturellement le développement de la pêche artisanale. Les opportunités, c'est aider les différents pêcheurs tout au long de la côte à avoir l'équipement qu'il faut: les intrants de pêche, les supports, la glace, les petits frigos qui les permettent de conserver les poissons. Réaliser des pistes pour les permettre de se connecter aux centres urbains et d'évacuer leurs produits pour la distribution. Et donc les priorités maintenant c'est dans la pêche artisanale. En ce qui concerne la pêche industrielle nous avons découvert que ce sont essentiellement les bateaux étrangers qui viennent ici et qui prennent la totalité des captures qu'ils envoient vers les pays de l'Union Européenne, via Las Palmas. Nous sommes en train de mettre une priorité, faire un pôle de développement de la pêche et dans ce pôle réaliser une infrastructure portuaire importante à Kamsar. Cette infrastructure portuaire va avoir dans son site l'ensemble de la technologie de pêche.

 
Depuis les réparations des bateaux, la transformation du poisson, la conservation du poisson, etc. Nous avons aujourd'hui une étude sur la réalisation de ce pôle et nous avons commencé des démarches auprès des investisseurs potentiels pour les amener à s'intéresser au pôle de développement, ce qui entraînerait la Banque Mondiale et d'autres bailleurs de fonds à soutenir la création de l'infrastructure portuaire. Ça c'est une période par rapport à la pêche maritime, à la pêche industrielle et effectivement, si nous analysons cette priorité là, il y a de forte chance que nous recevions plus d'apports dans la pêche artisanale. Là, nous serons amenés à réduire le nombre de flottes qui prennent les poissons ici et qui les envoient à l'extérieur pour les consommer, les distribuer. Pour l'amener ici, le transformer ici, le conserver, le consommer, le distribuer à partir d'ici vers l'intérieur du pays ou vers l'extérieur, ce qui amène une valeur ajoutée importante et qui amène une création d'emplois importante. Cela permet à la fois aux pêcheurs eux-mêmes et à l'Etat d'accroître leurs revenus.

Q4 La République de Guinée est un pays qui respecte beaucoup l'environnement. Avez-vous une politique pour protéger les ressources halieutiques d'une exploitation excessive?

A4: Oui. Vous savez, je me rappelle encore d'un entretien que j'ai en avec une délégation de l'U.E qui m'a posé la question pour savoir quelle est notre politique environnementale en matière de pêche. Ma politique environnementale est très importante. Elle va dans 2 directions bien définies.

Premièrement, il faut que, de par la politique environnementale que nous mettons en place, nous parvenions à sauver les espèces. Vous savez que les espèces se reproduisent plus en bordure de mer qu'à l'intérieur. Ce sont dans les mangroves qu'ils se développent. Il y a donc une forte politique à mettre en place pour la conservation des mangroves pour que les poissons se développent, se multiplient. Il y a également des ONG qui se préoccupent de la conservation des mangroves. Il y a au centre de recherche tout un département qui s'occupe du développement et de la protection des mangroves. La deuxième direction, c'est éviter la pollution. Il y a certaines pollutions qui détruisent entièrement les espèces. C'est pourquoi je dis que les principales sources de pollution marine identifiées dans notre pays sont des pollutions d'origine domestique, par le déversement des eaux usées et des ordures ménagères non biodégradables comme les pesticides et certaines eaux ; une pollution industrielle remarquée au niveau des usines Fria et Kamsar mais dont l'intensité a été fortement réduite sous la contrainte de l'autorité compétente qui est le service nationale de l'environnement ; une pollution marine des navires par le déversement en mer de leurs huiles et l'écoulement de leurs fuels ; et les pollutions diverses des déversements de déchets et substances toxiques non identifiés. Chacune de ces formes de pollution a pu être vue, en un mot, remarquée. Toutefois, avec l'intransigeance de la réglementation en vigueur, il y a une diminution de la pollution.

En matière de projets de protection de l'environnement, il y a le code à travers lequel certaines de ces dispositions constituent le garant de la protection de l'environnement. Il s'agit notamment de la délimitation des zones de pêche de 0 à 10 miles, réservée uniquement à la pêche artisanale qui ne dispose pas de chalutiers susceptibles de détruire la zone de production située dans cette partie. A l'heure actuelle, 6 sites ont été identifiés au niveau maritime et 6 autres tout le long du fleuve Niger. On note la création d'aires protégées, du fait de la biodiversité en oiseaux de mer, la protection des tortues marines (les tortues capturées sont marquées et relâchées par le centre de recherche de Boussoura). D'autre projets relèvent de service divers et de la protection de l'environnement, il s'agit de projets d'appui à la gestion intégrée des ressources naturelles basées en Guinée, intéressant toute la sous région ouest africaine. Toute la région ouest africaine s'occupe beaucoup des aspects environnementaux. Le projet auquel participe la Guinée, c'est un projet agricole qui s'occupe de la gestion intégrée des forêts et de la participation des communautés locales.

Il contribue efficacement à la protection des bassins pluvieux et même côtiers. Voilà donc, en matière d'environnement et en accord avec le département de l'agriculture, nous avons des politiques très bien définies.

Nous avons un code de l'environnement qui est très clair en matière maritime, et qui définit les limites des zones d'interventions.

Même les pirogues ne peuvent pas aller au-delà de 10 miles. Les bateaux aussi, dans les conditions normales, ne doivent pas venir dans les 10 miles. Il y a souvent des infractions mais nous y veillons quand même parce que dans cette zone, comme je l'ai dit au départ, il faut éviter la pollution car ça détruit les espèces qui se multiplient exclusivement dans cette zone. Donc, en matière d'environnement, retenez simplement que nous y veillons. De toute façon, la bonne pêche en dépend!

Q5 J'ai une dernière question. Pourriez vous nous parler un peu de votre parcours professionnel et la satisfaction que vous avez eu pendant votre travail comme Ministre de la Pêche et de l'Aquaculture.

A5: Je crois que vous aurez de toute façon des documents que je vais vous remettre tout à l'heure. Il y a plus de détails et vous serez plus orienté. Comme parcours personnel, j'ai fait l'université. J'ai fait l'école primaire dans mon village natal, le collège également dans ma préfecture à Boké. J'ai été très mal orienté, c'est vrai. J'ai été orienté en sciences sociales alors que j'ai fait série mathématiques mais je voulais faire le droit.

Dans mon choix, on n'a dit " écoute, on oriente selon les besoins du peuple ". On m'a envoyé alors en sciences sociales et finalement je me suis mis entre les deux facultés, celle de droit et celle des sciences sociales. Effectivement, j'ai réussi à suivre les cours de droit d'un côté et les cours de sciences sociales de l'autre côté, notamment les cours de philosophie. Mais je ne pouvais présenter ma thèse que dans un domaine donné. Alors, j'ai donc présenté ma thèse dans un sujet politique et philosophique. En sortant de l'université, j'ai été d'abord affecté à l'information comme journaliste. Ça ne m'a pas plu, je n'ai pas choisi, on m'a affecté et je suis resté. J'ai constaté que cela ne pouvait pas aller avec mon tempérament. J'ai demandé à être muté ailleurs. Alors le Ministre de l'information de l'époque m'a envoyé auprès du Ministre de la fonction publique qui ne pouvait pas m'affecter parce que j'avais beaucoup d'exigences. Ainsi, le Ministre du domaine social a dit qu'il pouvait me recevoir par ce qu'il en avait besoin. Le domaine social comprenait à l'époque la santé, le travail et les affaires sociales. Quand je suis arrivé, j'ai eu deux heures d'entretien avec le Ministre du domaine social. Il m'a demandé mon choix et il m'a dit " réfléchis d'ici demain matin et tu me proposes quelque chose ". J'ai alors réfléchi sur un cabinet, un bureau social qui aiderait le Ministre du domaine social pour avoir tous les renseignements concernant les problèmes qui se passent dans les 3 départements du dit Ministre. Le matin, je viens pour annoncer au proposition et le Ministre me nomme comme inspecteur général du travail. J'ai alors eu des stages de formation au rapport avec mon nouveau poste qui m'ont conduit d'abord au Cameroun, en Algérie, ensuite à Genève. J'ai été aux USA, à Washington, à Chicago. En 1981, j'ai été nommé inspecteur général du travail. J'ai occupé ce poste jusqu'en 1987, quand j'ai eu un problème avec la Banque Mondiale qui était venue dans le cadre de la restructuration des agents de la fonction publique. Je m'attendais à appliquer les propositions de la Banque Mondiale qui voulait réduire le nombre de fonction de 88.000 à 50.000. Qu'allaient devenir les 30.000 autres fonctionnaires frappés pour la mesure de restructuration? C'était une année contre l'Etat. Et j'ai dit que je voulais qu'on trouve des mesures d'accompagnement. Car régler les droits de ceux qui partaient n'était pas suffisant. Sachant que je connaissais bien ce terrain, ils ont demandé à ce qu'on m'enlève. Deux jours après, j'ai reçu un décret m'enlevant et j'ai été nommé conseiller du Ministre. La révolution était finie, en 1985 nous étions dans le libéralisme économique.

J'ai réussi alors à crée le pluralisme syndical et à le gérer correctement. En 1999, j'ai été nommé Ministre de la pêche et de l'aquaculture.

Q6 Que diriez vous à nos 800.000 lecteurs de l'Express vis à vis des investissements potentiels dans votre secteur ?

A6: Mon denier propos portera sur quelques points essentiels. Le secteur de la pêche en Guinée présente tous les atouts pour un investissement rentable car la ressource est là et les conditions d'investissement sont diverses et alléchantes. A ce titre, nous invitons tous les investisseurs européens désireux d'opérer en Guinée dans notre secteur à venir les réaliser dans notre pays. Ce secteur de la pêche représente, pour la plupart des pays de notre sous région, la principale source de revenus en matière de recette extérieure.
C'est pour cette raison que nous demandons à nos partenaires européens d'accorder au secteur de la pêche le maximum d'attention. Pour terminer, je vous serai personnellement très reconnaissant qu'au travers vos médias vous acceptiez de faire connaître au monde les potentialités halieutiques, les opportunités d'investissement, le cadre juridique et les atouts de développement économiques de ce secteur de la pêche en Guinée.

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