La Guinée dispose d'un potentiel énergétique
considérable, constitué d'un ensemble
de sources diversifiées d'énergie
: hydroélectricité, thermique, énergies
nouvelles et renouvelables (solaire, éolienne
).
Toutefois, c'est bel et bien l'hydroélectricité
- avec un potentiel de 6,1 GW de puissance pour
une énergie annuelle garantie évaluée
à 19.300 GWH, d'après les autorités
guinéennes - la clé de voûte
de cette formidable source d'énergie que
pourrait représenter la Guinée.
Le Secteur
énergétique, un pari à
gagner absolument |
C'est en 1993 que le Gouvernement guinéen
a réellement entamé sa politique
de transfert de la gestion de l'énergie
vers le secteur privé en élaborant
une loi qui stipule que " l'Etat conserve
le contrôle des activités de production,
transport et distribution de l'énergie
électrique [
] mais a le droit d'accorder
tout ou partie de l'exploitation des activités
de service public à toute entreprise satisfaisant
certaines conditions de compétence techniques
et financières " .
Ainsi, après avoir signé un contrat
de concession avec la Société Guinéenne
d'Electricité (SOGEL), chargée de
l'exploitation du réseau électrique,
la Gouvernement signera, en juin 94, un contrat
d'affermage - qui s'inspire de celui du secteur
de l'eau - avec un consortium composé d'EDF
(Electricité De France), HQI (Hydro-Québec
International) et SAUR
International . L'idée était
de bénéficier de leur expérience
pour améliorer la gestion du secteur énergétique.
Malheureusement, en raison de problèmes
structurels persistants - caractère endémique
des fraudes, très faible taux de rentabilité
commerciale, insuffisance chronique des investissements
- le consortium connaîtra, depuis 1994 jusqu'à
son retrait en juin 2001, un important déficit
estimé à plus de 23 milliards GNF.
Dans le cadre de la fin de l'affermage, il y a
lieu de noter que les négociations qui
devaient déboucher sur une résiliation
du contrat à l'amiable n'ont pas abouti
et finalement, c'est par abandon du contrat que
les partenaires ont dû se retirer.
De ce fait, en décembre 2001, le Gouvernement
opère une modification du schéma
structurel avec la fusion entre l'ENELGUI (Energie
Electrique de Guinée) - responsable des
infrastructures - et la SOGEL qui donnera naissance
à l'EDG (Electricité de Guinée).
Malheureusement, cette nouvelle structure n'est
pas encore parvenue à répondre aux
attentes du Gouvernement et des populations. On
peut d'ailleurs constater une situation de déséquilibre
financier structurel caractérisé
par des déficits successifs. L'une des
raisons expliquant les problèmes financiers
d'EDG est notamment une fraude importante de la
part des populations. Selon M. Kabiné Camara,
Directeur Général de l'EDG, "
65% de l'énergie électrique est
consommée sans être facturée
ou facturée sans faire l'objet de paiement
".
Le Gouvernement tente d'attirer les bailleurs
de fonds à travers la loi de BOT (Build-Operate-Transfer).
Cette loi, votée en 1998, autorise la construction,
l'exploitation et l'entretien d'infrastructures
par le secteur privé au moyen des conventions
BOT. Les unités de production d'électricité,
y compris les barrages hydroélectriques,
peuvent donc être développés
par des producteurs indépendants. Cette
loi est l'un des mécanismes par lequel
le gouvernement guinéen entend promouvoir
la participation du secteur privé dans
le financement et la gestion des infrastructures
hydroélectriques.
Le Secteur
de l'Hydraulique |
C'est dans l'hydroélectricité que
réside le véritable potentiel électrique
de la Guinée - la production hydraulique
constitue d'ailleurs plus de 60% de l'ensemble système
interconnecté. La Guinée regorge d'immenses
potentialités qui pourraient non seulement
lui permettre de subvenir à ses besoins,
mais aussi d'exporter les retombées bénéfiques
de ses richesses vers les pays voisins, alimentant
ainsi l'ensemble de la sous-région. Le pays
compte aujourd'hui 7 centrales produisant 52 MW
(notamment les centrales de Garafiri, Grandes Chutes,
Samou, et Kinkon). L'offre en énergie est
complétée par les centrales thermiques
de Tombo (94 MW).
Considérée comme " le château
d'eau de l'Afrique de l'Ouest ", la Guinée
compte 23 bassins versants. Parmi ces derniers,
14 sont partagés avec les pays voisins -
soit près de 60% - ce qui signifie, en d'autres
termes, que la plupart des grands fleuves prennent
leur source en Guinée. La Guinée a
donc, en plus de l'électricité, une
grande responsabilité pour l'approvisionnement
en eau des autres pays de la sous-région.
Malheureusement, pour diverses raisons, cet énorme
potentiel de 6,1 GW n'est exploité qu'à
hauteur de 2% seulement. On peut noter un bouleversement
du schéma habituel qui privilégie
l'énergie hydraulique au thermique, dans
la mesure où l'énergie provient à
52% de la production thermique et 48% de l'énergie
hydraulique.
La Guinée connaît d'ailleurs de sérieuses
difficultés en terme de fourniture d'électricité.
Les raisons expliquant ce déficit sont les
suivantes :
* explosion démographique galopante et urbanisation
croissante qui a fait que la capacité de
consommation a vite dépassé les capacités
de production (la demande de consommation à
l'heure de pointe est passée de 1000 à
2000 MWH depuis 1999)
* déficit pluviométrique très
marqué en 2002 et régime irrégulier
des cours d'eau qui s'est traduit par des volumes
de retenues des centrales de Garafiri et Banéah
respectivement inférieurs de 51,23% et 32%
par rapport à 2001 (baisse de 58,19% de la
production hydraulique par rapport à 2001).
Ce déficit pluviométrique est directement
lié aux feux de brousse, au déboisement
à des fins agricoles (cultures sur brûlis),
et à l'exploitation commerciale excessive
des forêts.
* problèmes techniques des groupes thermiques
des différentes centrales (manque d'entretien,
matériel vieillissant, problèmes d'approvisionnement
en pièces de rechange).
De ce fait, la production hydroélectrique
guinéenne ne s'élèvent qu'aux
alentours de 120 MW - d'où la nécessaire
valorisation de ce secteur pour subvenir aux besoins
et exporter. C'est pourquoi l'apport des investissements
privés étrangers s'avère incontournable,
propos appuyés par M.
Nyankoye Fassou Sagno, ancien Ministre de l'Hydraulique
et de l'Energie : "
pour réaliser
les projets de développement, c'est essentiellement
avec les partenaires étrangers ; dans la
mesure où la capacité financière
des partenaires locaux n'est pas assez importante
pour faire face aux investissements importants
" Puis, comme pour rassurer ses interlocuteurs,
l'ancien Ministre ajoute : "
si un opérateur
privé décide de construire un barrage
n'importe où en Guinée, cela lui permettra
un retour sur l'investissement très rapide
".
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Il est important de noter que l'hydraulique comporte
deux volets : l'hydraulique villageoise et l'hydraulique
urbaine. L'hydraulique villageoise concerne plus
de 80% de la population guinéenne, essentiellement
dans les zones rurales où le besoin en
eau est élevé, mais les investissements
sont essentiellement réalisés par
l'Etat en raison du caractère purement
social de cette activité et l'absence de
rentabilité. C'est donc bien l'hydraulique
urbaine - qui porte sur 20% des populations -
que l'on a confié aux investisseurs privés
depuis 1989. Un groupe d'opérateurs privés
constitué de VIVENDI et SAUR International
a géré ce secteur pendant plusieurs
années avant de se retirer en raison de
divergences avec le Gouvernement. Depuis la rupture
du contrat, l'heure est à la recherche
d'autres investisseurs étrangers (appel
d'offre international) afin d'obtenir un investissement
pour la réhabilitation et l'extension des
installations.
Par le passé, le secteur était géré
par la Société d'Exploitation des
Eaux de Guinée (SEEG) - qui exploitait
les installations - et la Société
Nationale des Eaux de Guinée(SONEG) qui
était la société patrimoine.
Fin 2001, les deux entités ont fusionné
pour donner naissance à la SEG
(Société des Eaux de Guinée)
qui, comme nous l'explique M.
Ousmane Aribot, Directeur Général
de la SEG , " couvre désormais
l'exploitation, la programmation des investissements
et des travaux, et le financement [
]. C'est
une structure publique qui est appuyée
par des consultants qui travaillent conformément
au mandat qui leur a été confié
par le Gouvernement, en accord avec les bailleurs
de fonds ". Grâce au concours des partenaires
au développement et de la Banque
Mondiale , une équipe d'assistants
techniques a été mise sur pied pour
gérer la période transitoire et
préparer les dossiers d'appel d'offre.

Des perspectives
ambitieuses |
Afin d'assurer un apport régulier et suffisant
d'électricité, un immense projet est
entré en production en 1999 : le barrage
de Garafiri, à 160 km de Conakry, dont la
construction aura nécessité environ
220 millions d'EUR. Cette centrale hydroélectrique
a une puissance installée de 75 MW et une
production annuelle moyenne annoncée de 264
GWH. Elle a pour vocation d'alimenter la ville de
Conakry et certaines villes de l'intérieur
du pays. Toutes les ressources humaines et matérielles
ont été mobilisées et le barrage
est aujourd'hui officiellement opérationnel.
Toutefois, en raison de certains problèmes,
la construction du barrage a connu quelques imprévus
et les résultats sont relativement décevants.
Selon le Directeur Général de l'EDG,
ce qu'on peut qualifier de " contre-performance
" serait due à des raisons techniques.
Toujours est-il que ce projet, à l'instar
de nombreux autres projets à l'étude,
nécessite la participation des investisseurs
et techniciens étrangers - participation
qui demeure timide en raison de certains facteurs
tels que la fraude généralisée
de l'électricité par les populations,
un environnement juridique difficile, un matériel
en mauvaise état
Ces pratiques retiennent
incontestablement l'engagement des investisseurs
dans le secteur de l'énergie, secteur pourtant
très rentable.
Convaincu de la sous-exploitation du secteur énergétique
et de son rendement peu probant, le Gouvernement
guinéen envisage de nombreux projets :
* Le projet intégré Souapiti-Kaléta
associé à une usine d'aluminium, avec
une puissance de 750 MW à 975 MW, pour l'alimentation
en énergie de l'usine d'alumine de Fria,
des régions de l'ouest vers Boké,
de l'usine d'alumine de Djan-Djan et de la zone
de Conakry.
* Projet de construction d'un centre de gestion
des réseaux électriques " dispatching
".
* Projet d'aménagement hydroélectrique
sur le bafing " Koukoutamba " dans le
nord de la Moyenne Guinée avec une puissance
de 281 MW pour l'alimentation en énergie
électrique des mines de bauxite de Dabola-Tougué.
* Projet à buts multiples de Fomi (navigation,
irrigation et production d'énergie électrique)
sur le fleuve Niandan (affluent du Niger), avec
une puissance de 90 MW (402 GWH/an) pour l'approvisionnement
des projets miniers de la Haute Guinée, l'alimentation
des villes de la région et l'interconnexion
avec le système Samou et celui de certains
pays limitrophes.
Il est important de souligner que de nombreux projets
se réalisent sous l'impulsion des sociétés
impliquées dans l'exploration de la bauxite.
Cette activité permet en effet de catalyser
et de favoriser les investissements, lesquels auront
très probablement des retombées positives
sur la population ; d'ailleurs, l'objectif fixé
pour le taux d'accès à l'électricité
est de 65% d'ici 2010.
La politique du Gouvernement sera donc axée
sur l'amélioration de la gestion du secteur,
le renforcement de fiabilité, l'extension
de l'offre énergétique y compris en
milieu rural où l'on note déjà
la pratique de l'Electrification Rurale Décentralisée
(ERD) soutenue par la Banque
Mondiale .
L'objectif du gouvernement en matière de
développement du secteur, est d'assurer la
couverture globale de la consommation énergétique
du pays. C'est pourquoi, pour atteindre cet objectif,
il a élaboré un plan d'action en cinq
volets :
* assurer un niveau de service adéquat et
un accès à ce service à tous
les consommateurs capables d'en assurer la charge.
* assurer à terme un auto-financement du
secteur au moyen d'une correction des distorsions
existantes, de l'adoption d'une politique tarifaire
et d'une gestion commerciale appropriée.
* favoriser la participation d'opérateurs
privés dans la production, le transport et
la distribution du secteur dans un cadre réglementaire
garantissant un traitement uniforme à tous
les participants.
* Limiter, en matière de gestion, le rôle
de l'Etat dans le secteur à celui de régulateur
et décisionnaire pour la définition
des politiques et stratégies sectorielles.
* Développer les potentialités hydroélectriques
du pays, en vue de renforcer son autonomie énergétique.
La Guinée est donc consciente du potentiel
dont elle dispose et du rôle géopolitique
qui lui tend les bras dans la sous-région
en terme d'alimentation électrique. Le Gouvernement
fait d'ailleurs état, depuis son désengagement
du secteur de l'énergie en 94, de nombreuses
améliorations : augmentation du nombre de
branchements, du volume d'électricité
distribuée, des recettes du secteur
Il compte aussi de sérieux atouts pour attirer
les investisseurs étrangers, et espère
faire prendre conscience aux investisseurs potentiels
de la faiblesse du risque-pays - dans la mesure
où l'objectif est de couvrir plusieurs pays
- et un retour sur l'investissement relativement
rapide du fait de la taille du marché visé.
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