L'importance du secteur
agricole en Guinée n'est plus à démontrer,
que ce soit en termes de superficie (6,2 millions
d'hectares de superficie agricole utile) ou en termes
d'occupation de population (80% de la population
active guinéenne). L'avènement de
la 2ème République, qui fera de ce
secteur l'une de ses priorités, s'est traduit
par un effort d'investissement considérable
et important. Du Programme de Réformes Economiques
et Financières (PREF) à la Lettre
de Politique de Développement Agricole (LPDA),
les bailleurs de fonds ont mobilisé des milliards
pour un développement plus accéléré
du secteur rural.
L'élevage occupe une place importante dans
le développement rural avec 2.202.259 bovins
; 728.681 caprins ; 612.294 ovins ; 46.160 porcins
; 8,65 millions de volailles, détenus par
209.201 éleveurs. Les petits ruminants
(ovins et caprins) sont tous de race Djallonké
et très rustiques.
Malgré ces atouts et ces efforts, le pays
n'est pas encore passé d'une agriculture
de subsistance à une agriculture de marché.
Or celle-ci est indiscutablement porteuse de croissance,
mais le niveau actuel du développement
de ce secteur est largement en deçà
des potentialités qui s'offrent au pays.
Pourtant la Guinée dispose de conditions
agro-climatiques plus que favorables à
un développement rapide du secteur.
Comme le souligne M.
Jean Paul SARR, Ministre de l'Agriculture et de
l'Elevage : " les objectifs sont la sécurité
alimentaire, relancer les cultures d'exploitation,
professionnaliser le secteur et assister les plus
hauts de manière à ce qu'ils puissent
progressivement remplacer l'Etat dans les fonctions
d'évolution et de commercialisation ".
En tout cas, les résultats, en ce qui concerne
la LPDA, sont éloquents :
* Un taux de croissance du secteur agricole de
5,9 % (5,4% pour l'élevage, 3% pour la
sylviculture et forêt) en 2001 contre 4,2%
pour la croissance du pays.
* Hausse de la production et de la productivité
des denrées de première nécessité
(riz, arachide, maïs, manioc, ignames
).
* Amélioration du niveau d'exportation
(coton, café, ananas, mangue
).
* Emergence d'organisations de producteurs mieux
structurées.
Un passé
agricole riche d'expérience |
Avant l'indépendance de la Guinée,
le secteur agricole était très florissant
par rapport à la sous-région. Le
triangle bananier est dans toutes les mémoires.
En 1958, les nouvelles autorités du pays
ont préféré donné
une autre orientation à ce secteur en privilégiant
l'idéologie sur l'économie.
En 1984, le changement à la tête
de l'Etat intervenait avec la prise du pouvoir
par l'armée. L'option libérale devenait
le cheval de bataille d'une économie qui
se cherchait encore. Globalement satisfait du
libéralisme économique, les bailleurs
de fonds se précipitaient au chevet d'une
économie de centralisme. En appui à
l'option libérale adoptée, le pays
va bénéficier d'un Programme de
Réformes Economiques et Financières
(PREF) dont les trois phases successives se sont
déroulées de 1985 à 1994.
En tant que composante sectorielle du PREF, la
politique de développement agricole de
la Guinée a connu, entre autres, la conférence
des bailleurs de fonds sur le secteur de développement
rural (octobre 1987), la deuxième conférence
sur le développement rural (avril 1989),
la table ronde sur le secteur rural (décembre
1991) au cours de laquelle le Gouvernement, les
bailleurs de fonds et les partenaires au développement
rural ont discuté et adopté la Lettre
de Politique de Développement Agricole
(LPDA) qui connaîtra, elle aussi, différentes
phases : LPDA 1, LPDA 2, et bientôt LPDA
3.
L'EXECUTION
DES LPDA |
Sur le plan financier, la priorité donnée
par le secteur agricole s'est traduite par un
effort d'investissement important et soutenu depuis
l'avènement de la 2ème République,
notamment depuis l'adoption de la LPDA. D'ailleurs,
selon le Ministre de l'Agriculture, M. Jean-Paul
Sarr (link to interview) : " En Guinée,
sur les 6 millions d'hectares de terre, il reste
4 millions d'hectares à valoriser [
].
Il y a l'eau, il y a la terre fertile et il y
a une réglementation qui permet de sécuriser
les investissements dans le domaine agricole ".
Ces investissements se répartissent comme
suit :
* Agriculture : 33,7%
*Elevage : 4,4%
*Forêts : 8,5%
*Infrastructures rurales : 20,3% (pistes rurales
et aménagements)
*Hydraulique villageoise : 10,2%
*Développement rural intégré
: 13,4%
*Institutions de crédit : 3,8%
*Appui aux services agricoles : 5,7%.
Il faut remarquer l'importance accordée
aux infrastructures (y compris l'hydraulique villageoise)
qui représentent plus de 30% de l'enveloppe
totale.
Cette situation s'explique par le fait que la
relance de l'agriculture guinéenne devait
d'abord passer par une phase de réhabilitation
des services nationaux et déconcentrés
qu'il a fallu reconvertir aux impératifs
d'une économie de marché basée
d'abord sur l'initiative individuelle et le secteur
privé.
Cette reconversion a nécessité des
actions de recyclage des agents mais aussi la
mise en uvre de programmes d'activités
(vulgarisation, santé animale, appui à
la gestion des ressources naturelles, suivi de
l'exécution des travaux de génie
rural, programmation des activités, élaboration
des stratégies) qui, à terme, devront
être pleinement appropriés par les
services et, si possible, appuyés par les
ressources nationales.
Crédits
à l'agriculture et résultats
obtenus |
Des résultats tangibles ont été
obtenus dans la mise en uvre de la politique
de financement du milieu rural par les structures
professionnelles, dont notamment le Crédit
Rural et le Crédit Mutuel. Depuis le début
des années 90, environ 76 caisses ont été
créées par le Crédit Mutuel,
avec une mobilisation en épargne de l'ordre
de 4 milliards de GNF (environ 2 millions USD).
En moyenne, différents produits financiers,
tant individuels que collectifs, ont été
mis en place pour permettre aux producteurs d'acquérir
les intrants et de commercialiser leurs produits
agricoles. Il est à noter que les institutions
financières décentralisées
ne couvrent pas l'ensemble du territoire et que
les produits financiers offerts ne couvrent pas
non plus l'éventail de la demande.
Les performances récentes du secteur agricole
sont globalement satisfaisantes même si un
certain nombre de résultats sont en deçà
des objectifs assignés par la LPDA1.
La LPDA2 a été préparée
et finalisée en novembre 1996. Son objectif
principal est de permettre d'atteindre un taux de
croissance annuelle du PIB de 10 % en 2010.
Selon le Ministère de l'Agriculture et de
l'Elevage (link to profile), les objectifs spécifiques
visés par la LPDA 2 sont :
* assurer la sécurité alimentaire
des populations guinéennes.
*promouvoir les exportations agricoles.
*préserver la base productive par une gestion
durable des ressources naturelles.
*réduire la dépendance de l'économie
nationale vis-à-vis du secteur minier.
Les axes stratégiques découlant de
ces objectifs sont :
* Améliorer les infrastructures socio-économiques
du monde rural.
*Appuyer l'organisation de groupements professionnels
d'agriculture.
*Poursuivre la politique de désengagement
de l'Etat des activités de production et
de commercialisation des produits agricoles et de
la réalisation des travaux ruraux.
*Améliorer la productivité de l'exploitation
agricole.
*Favoriser le développement d'un secteur
agricole privé dynamique.
*Mettre en uvre un programme spécifique
de lutte contre la pauvreté en milieu rural.
*Lutter contre toutes les formes anarchiques d'exploitation
des ressources naturelles.
Quelques
structures opérationnelles |
Il convient tout d'abord de relever que la production
agricole est essentiellement réalisée
par le secteur privé traditionnel. Le
Ministre Sarr insistera sur le fait que
" les fonctions régaliennes de l'Etat
doivent se situer dans le cadre de la réglementation,
de l'incitation, de la définition d'une atmosphère
permettant un investissement et la sécurisation
des investissements [
] tout ce qui est production
et commercialisation revient de facto au privé
". On estime à 3 000 le nombre de groupements
agricoles de tous genres constitués sur le
territoire. Le pays compte 8 chambres régionales
d'agriculture et une chambre nationale d'agriculture
créée en août 1997. |
Concernant les différentes
cultures d'exportation, on peut notamment citer
la culture de coton, la seule société
productrice et exportatrice du secteur étant
la CGC (Compagnie Guinéenne du Coton). Cette
société, créée en septembre
2000 dans le cadre du Programme de Développement
Rural (PDR) du Gouvernement, est une Société
Anonyme à participation publique détenue
à hauteur de 80% par la CGC, 15% par le Gouvernement
guinéen, 5% par les producteurs. Du fait
du jeune âge de la CGC et de la récente
crise internationale du coton, les quantités
exportées demeurent faibles (25.813 tonnes
en 2002), mais l'objectif de ses dirigeants est
d'atteindre, à terme, les 100.000 tonnes
à l'exportation, fibres et graines de coton
confondues. Cette augmentation de la production
est notamment motivée par la perspective
d'un possible développement d'une industrie
cotonnière en Guinée. En effet, selon
M. Kozo,
Directeur Général Adjoint de la CGC
: " notre influence sur le développement
de l'industrie cotonnière se fonde nécessairement
sur le tonus que nous aurons donné à
la production du coton, à son engrainage
".
Selon le Ministère de l'Agriculture, les
actions du Gouvernement porteront sur la recherche
d'économie dans la gestion de la filière
pour baisser le coût de production, l'amélioration
de la productivité des exploitations, la
poursuite du désenclavement des zones de
production, la professionnalisation de la filière
en améliorant le fonctionnement des groupements
et la privatisation par le désengagement
de l'Etat.
Les fruits et légumes sont également
largement exportés. Parmi les principales
sociétés productrices, on retrouve
la SALGUIDIA (jus de fruits à base d'ananas),
la SOBERGUI (production et commercialisation d'huile
de palme) et la SOBRAGUI (production et exportation
d'ananas). L'objectif du Gouvernement est l'identification/installation
d'investisseurs professionnels nationaux et internationaux,
le renforcement des actions du projet cadre de
promotion des exportations agricoles, la diffusion
du matériel végétal amélioré,
et la création d'infrastructures nécessaires
au développement des exportations.
Concernant la principale société
productrice d'huile de palme et d'hévéa,
la SOGUIPAH (Société Guinéenne
de Palme et d'Hévéa), il faut souligner
qu'elle a réalisé, ces dernières
années, plus de 4.500 hectares de plantations
industrielles et familiales d'hévéa
et a pour projet de s'étendre encore.
Enfin, l'exportation du café reste une
priorité et l'objectif du Gouvernement
est de disposer de 5.000 hectares qui permettraient
une production de 20.000 tonnes par an. Les plans
d'action portent sur le respect des itinéraires
techniques, avec la relance de la régénération
des vieilles plantations ; et la mise en place
des mesures d'accompagnement des producteurs.
Un plan
d'action pour la riziculture |
Le développement de la production rizicole
se basera en ordre de priorité sur l'amélioration
de la riziculture pluviale (utilisation de semences
améliorées et adaptées et
d'intrants, une meilleure gestion de la fertilité
des sols par l'introduction de plantes de couvertures
et un appui à la culture attelée),
une mise en valeur efficace des bas-fonds, susceptible
de pérenniser des aménagements déjà
réalisés, et la poursuite des aménagements
hydro-agricoles qui ont fait la preuve d'une bonne
maîtrise par les populations bénéficiaires.
Face à l'instabilité du marché
international du riz et à ses répercussions
rapides sur les prix intérieurs, il est
indiqué de mettre en place une protection
tarifaire modulable. L'option retenue dans la
LPDA 2, qui consiste à réviser la
taxation à chaque fois que les prix varient
au delà d'un prix plancher et un prix plafond,
concorde tout à fait dans ses principes
avec l'approche par bandes de prix - " price
bands " - déjà en uvre
dans beaucoup de pays. Pour être efficace
et atteindre son objectif de production nationale
de riz, ce mécanisme doit avoir un caractère
automatique et agir selon des règles fixées
à l'avance et connues de tous. Les données
disponibles sur le marché et différents
travaux déjà conduits par le MAEF
(Ministère des Affaires étrangères)
permettent de faire des propositions opérationnelles.
Les études faites sur la protection tarifaire
appliquée aux produits agricoles seront
exploitées afin d'enrichir les propositions
existantes à l'examen des autres départements
concernés par le sujet.
De nombreux espoirs sont soulevés depuis
la mise au point du NERICA (NEw RICe for Africa),
issu du croisement d'espèces africaine
et asiatique et mis au point il y a quelques années
par l'ADRAO (Association pour le Développement
de la Riziculture en Afrique de l'Ouest). Les
caractéristiques de cette nouvelle variété
de riz sont un cycle court (90 jours de végétation)
et un rendement fort. En effet, la riziculture
en Guinée est pratiquée à
60% sur les montagnes et plateaux (" riziculture
pluviale "). Ce type de riziculture ne peut
pas générer plus de 700 à
800 kg par hectare. Le NERICA permet une production
de 1,2 tonne sans engrais et de 2,5 à 3
tonnes avec engrais.
La Guinée est aujourd'hui considérée
comme l'un des pays leaders dans la vulgarisation
et la multiplication de cette céréale
dans la sous-région, et l'objectif à
terme est d'arriver à mettre fin aux importations
de riz à l'horizon 2005. Cet objectif paraît
réalisable dans la mesure où les
importations de riz ont déjà diminué
de 60% au cours des 10 dernières années.
La Guinée couvre aujourd'hui 65% de ses
besoins alimentaires et veut atteindre, selon
le Ministre
de l'Agriculture, l'autosuffisance alimentaire
d'ici 2005. Cette objectif ne sera possible qu'à
travers une diversification des habitudes alimentaires
guinéennes qui reposent encore largement
sur le riz.
PERSPECTIVES |
Les principaux axes de stratégies retenus
par le Gouvernement pour atteindre les objectifs
annoncés sont :
- Améliorer les infrastructures socioéconomiques
du monde rural, et notamment le réseau
de pistes rurales, l'hydraulique villageoise,
les aménagements hydro-agricoles, les infrastructures
de stockage, de conservation et de commercialisation,
en tant que préalable au développement
de la production agricole.
- Appuyer l'organisation de groupements professionnels
d'agriculteurs pour favoriser la participation,
l'appropriation et la pérennisation des
actions de développement.
- Poursuivre la politique de désengagement
de l'Etat des activités de production et
de commercialisation des produits agricoles et
de réalisation des travaux ruraux et parallèlement,
améliorer l'efficacité des services
agricoles.
- Améliorer la productivité de l'exploitation
agricole par une politique d'encouragement à
l'utilisation des semences et plants sélectionnés
ou améliorés, des fertilisants et
produits de traitement phytosanitaire, ainsi que
d'une mécanisation agricole adaptée.
- Favoriser le développement d'un secteur
agricole privé dynamique en améliorant
les outils de financement ainsi que l'environnement
législatif et réglementaire.
- Mettre en uvre un programme spécifique
de lutte contre la pauvreté en milieu rural,
dans le but d'assurer la sécurité
alimentaire à tous les Guinéens.
- Lutter contre toutes les formes anarchiques
d'exploitation des ressources naturelles et assurer
la pérennité de celles-ci.
L'application concrète des axes de stratégies
énoncées ci-dessus devra se traduire
au niveau sous-sectoriel et thématique
par des objectifs opérationnels avec la
LPDA3 en cours d'élaboration.
On peut également citer un certain nombre
de projets annoncés par le Gouvernement
qui se propose de les réaliser avant 2010
:
* Projet d'extension des plantations de la SOGUIPAH
(coût global : 19,4 millions de GNF sur
une durée de 9 ans) : réalisation
de 4500 ha de plantations industrielles et 6000
ha de plantations familiales de palmiers et d'hévéas
dans les sous-préfectures de Diécké,
Gbignamou, Pela et Bounouma.
* Projet d'aménagement hydro-agricole dans
la préfecture de Dinguiraye (11,2 milliards
de GNF sur une durée de 5 ans) : réalisation
des aménagements hydro-agricoles, réhabilitation
des pistes.
* Projet de développement agricole de Mandiana
(coût global : 10,5 milliards GNF sur 5
ans) : réalisation de 100 km de pistes
rurales, 1500 ha de plaines, 180 ha de reboisement,
500 ha de vergers.
* Projet de développement agricole de Tougué-Koubia-Lélouma
(coût global : 25 milliards de GNF sur 5
ans) : réhabilitation de 396 km de pistes
rurales, construction de 500 m linéaires
d'ouvrages de franchissement, aménagement
de 2782 ha de plaines et 942 ha de bas fonds.
* Programme de réalisation de retenues
collinaires (coût global : 48,3 millions
USD sur 5 ans) : construction des ouvrages de
retenue d'eau d'une capacité de 20 millions
de m3, réalisation de 206 km de pistes
de dessertes rurales, d'aménager plus de
2000 ha de bas fonds situés à proximité
des zones d'influence des retenues collinaires.
* Stratégie d'aménagement en zone
de mangrove (coût global :12,1 millions
USD sur 5 ans) sur le littoral (Dubréka,
Boffa, Boké, Coyah, Forécariah).
* Projet pilote de l'Anacardier (coût non
déterminé sur une durée de
4 ans) dans les préfectures de Boké
et Gaoual.
* Projets de développement agricole de
Koubia-Lélouma (coût de 34 milliards
de GNF) et du Haut Niger (coût global de
187 milliards de GNF) : mise en valeur des terres
et réalisation de pistes rurales.
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